jeudi 10 septembre 2015

Lettre à Bastien, 3 ans.


C'est une nuit où je n'ai pas dormi, après avoir lu l'horreur sur mon écran. Je n'ai plus de télé depuis 15 ans. Je ne suis plus l'actualité, ni à la radio, ni dans la presse. Aussi quand l'histoire de Bastien,  3 ans, maltraité durant sa courte vie, puni et tué par son père qui l'a enfermé dans un lave-linge en mode essorage, est arrivée jusqu'à moi (le procès des parents est en cours), j'ai ressenti un effroi terrible et je n'ai pas pu dormir cette nuit là. J'ai fait ce que j'ai pu : penser à lui, envoyer toute la douceur et l'amour possible à son âme. J'ai pensé à ses parents aussi. A sa grande soeur. A tout son entourage. J'ai essayé d'éprouver de la compassion pour les adultes. 

Une angoisse sans fond m'assaille à l'idée que les racines de la violence sont en chacun de nous. Que la mort de Bastien est la conséquence d'un manque d'empathie effroyable et d'une violence exacerbée, qui à différent degré peuvent saisir tout être humain. 

Voici ma lettre à Bastien. Vous trouverez juste après des liens et des vidéos éducatives sur la violence parentale qui a une bien moindre échelle nous concernent tous, ancien enfant ou nouveau parent.


Cher petit Bastien,

Tu ne me connais pas et je n'ai pas eu la joie de te connaître. C'est aujourd'hui seulement que j'ai appris ton prénom et que j'ai vu ton visage en photo sur mon ordinateur. C'est aujourd'hui que j'ai appris une partie de ce que tu as vécu.

Mon petit Bastien je t'envoie tout l'amour donc je suis capable. Si tu le veux bien je voudrai te prendre dans mes bras et ensemble on pourrait danser, faire l'avion, rire et même aussi juste se serrer fort un instant pour sentir nos coeurs et notre respiration.

Bastien, ton corps qui était plein de vie et de mouvements ne bouge plus maintenant. Ton coeur et ta respiration se sont tus.

Bastien, j'embrasse chaque endroit de ton corps où ça a fait boum. Ce sont des bisous magiques, comme ceux que donne les mamans et les papas.

Ton papa et ta maman ils n'avaient pas le droit de te faire du mal Bastien. Les adultes sont là pour prendre soin des enfants, les accompagner dans leurs découvertes, leur tenir la main quand il traverse la rue et leur faire un gros câlin quand ils ont peur.

Bastien, j'ai très mal d'apprendre ce qu'il t'est arrivé. J'ai beaucoup pleuré ce soir en pensant à tout ce qui a été douloureux et difficile pour toi.

J'ai peur aussi. Ça fait tout froid à l'intérieur de moi. J'ai peur parce que le non-amour et la violence font partie de chacun d'entre nous. Qu'il y a un monstre dans chaque personne, en moi aussi. J'ai peur et j'ai mal parce que petite j'ai eu peur et mal et que parfois j'ai aussi envie de faire peur et mal à mes enfants.

J'ai peur parce que je n'arrive pas à vivre dans un monde où l'on peut faire mal aux autres, aux enfants, aux plus fragiles : les femmes, les migrants, les minorités de toutes sortes, les animaux.

Bastien, tu es un soleil magnifique et je te souhaite un beau et doux voyage vers une nouvelle vie où tu seras aimé, compris, chéris et où tu pourras aimer, comprendre et chérir à ton tour.

Bastien je ne te dis pas au revoir car je garde bien au chaud dans mon coeur l'enseignement de bienveillance et de vigilance que ton histoire me transmet.

Je t'aime petit ange et je t'embrasse si tu me le permets.

Bonne route mon petit.
Anaïs.

Pour aller plus loin:


extrait du livret: "sans fessée comment faire?"
Sans fessée, comment faire? Livret pratique d'éducation non-violente, joliment illustré, en version imprimable ici, dont j'avais déjà parlé dans cet article: Parentalité positive: exemple de la Suède et pistes d'actions. A diffuser.


Maman, tu me cries trop dessus … (ou comment un rouleau de papier WC m’a sauvé la vie), un article de Sandrine Donzel du blog S comm C. A la fin de l'article vous trouverez des liens vers d'autres articles instructifs et pratiques comme: 


La méthode "Tipi", très simple, très courte, utilisable à chaque instant où une émotion désagréable monte. "Son application concerne tous les désordres émotionnels, petits et grands : nos peurs, nos angoisses, nos phobies, nos anxiétés, nos stress, nos agacements, nos violences, nos inhibitions…" A découvrir et diffuser largement : 


Quelques articles courts et très éclairant d'Alice Miller, que l'on peut partager autour de soi:


Le compte rendu des cours de communication non-violente que j'ai suivi en 2013 :


Amour et châtiments, un documentaire que j'aimerai beaucoup visionné et dont voici la bande annonce (avec une petite interview d'Olivier Maurel, auteur de La Fessée):



Les paroles de la chanson d'Yves Auteuil sur la Convention sur les Droits de l'Enfant, diffusée dans les écoles primaires françaises. Paroles en format imprimable ici.



Je suis toi quand tu pleures
Parce qu'un grand t'a trompé
En te prenant les fleurs
Que tu voulais garder

C'est un peu de mon sang
Qui coule dans tes veines
Si tu as du chagrin
J'ai aussi de la peine

Si l'on devait graver dans la Pierre du Temps
Les mots les plus utiles ou les plus importants
Sans chercher bien longtemps je crois qu'en tout premier
Viendraient le mot Justice et le mot Liberté

Vérité serait là, juste après ou avant,
Le coupable la craint, la victime l'attend
Certains mots ont ainsi des pouvoirs surprenants
Ils résument à eux seuls Tous Les Droits Des Enfants

Je voudrais les offrir à tous ceux sur la Terre
Qui vivent dans la peur, la souffrance ou la guerre
La force de ces mots peut leur ouvrir un jour
L'horizon vers la paix, la tendresse et l'amour

Ils sont là, noir sur blanc
Et si tu peux les lire
Tu as droit au bonheur
A l'air que tu respires
Au soleil dans ton coeur
Tu peux t'appartenir...

Bien sûr, ces mots savants, pesés par des juristes
Ont l'air d'être ennuyeux, compliqués, un peu tristes
Mais ce sont avant tout des mots d'amour pour vous
Ecrits pour protéger l'agneau contre les loups

Est-ce qu'ils pourraient briser tous les murs de silence
Qui enferment la peur au coeur de l'innocence ?
Le seul pour leur ouvrir la porte vers l'oubli
Pour ceux qui sans rien faire ont sombré dans la nuit
Ont sombré dans la nuit...

Il fallait un bouquet de ces mots réunis
Qui disent à tous ceux-là, quel que soit leur pays
Que la voix du plus fort n'est pas toujours meilleure
Qu'un jour, ces enfants fassent entendre la leur
Ils ont droit au bonheur

Je suis toi quand tu pleures
Mais je suis toi aussi
Quand tu chantes et tu ris...
Tu as droit à ta vie
Tu as droit à ta vie
Tu as droit à ta vie


5 commentaires:

Alys (Minuscule infini) a dit…

Moi non plus je n'ai pas la télé. J'écoute un peu la radio, je m'informe en ligne, mais tu vois, un tel fait divers (parce que, malheureusement, c'en est un, n'était pas parvenu jusqu'à moi sans toi. Je suis heureuse de le découvrir par ton biais, bien plus doux, plus tendre et plus intelligent, que si j'avais dû y être durement confrontée à la télévision. Merci pour tes liens.

Anaïs a dit…

Merci Alys. J'ai ajouté un lien vers le livret "sans fessée comment faire" qui est un document à la portée beaucoup plus large, très inspirant: http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/19/43/08/sansfessee05.pdf

Anonyme a dit…

Je dois dire je n'avais pas vu, lu ça non plus..c'est horrible et j'ai moi aussi envie de pleurer. Je ne pensais pas laisser un commentaire mais je dois dire que ta lettre, elle est bien écrite enfin elle touche. Et puis merci pour les liens, j'ai découvert TIPI et il faut apprendre. Bien à toi, Solene

Anaïs a dit…

Merci Solène, j'ai du mal à te répondre pour ne pas me laisser envahir par l'émotion à nouveau. Mais je voulais ajouter que pour moi, il est insoutenable que le calvaire de cet enfant soit un fait divers. Il doit nous éclairer, il doit lancer le débat publiquement et en chacun. Les parents de Bastien ont été condamnés à 30 et 12 ans de réclusion. Lors du procès ce qui a choqué les journalistes c'est que chaque témoin se positionnait comme victime, comme en souffrance (même le père accusé et coupable). Je pense que c'est parce que beaucoup d'entre nous sont encore fortement connectés à nos souffrances d'enfant et qu'il est primordial de les entendre et de les dépasser pour devenir une personne plus en équilibre et donc un parent plus serein. Bon chemin à toi. Je t'envoie de la douceur.

Alys a dit…

Oui, je connais ce fascicule, il est très bien fait, j'en avais brièvement parlé sur le blog aussi.

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