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jeudi 18 août 2022

Se soigner pendant l'allaitement

Cet article a été publié dans le hors-série 13 du magazine Grandir Autrement, dans le dossier "De la difficulté d'être un parent à l'écoute" disponible pour 3 euros dans la boutique en-ligne du magazine (magazine qui a grandement besoin de notre soutien). 

 Je suis heureuse de partager cette interview de Pauline qui a écrit plusieurs articles de fond pour BLO il y a quelques années. Cet entretien date de 2019... Je récupère mon retard... Si vous avez besoin d'une chouette sage-femme, Pauline est au Framboisier. Je recommande aussi Philippine qui fait partie de cette superbe équipe.



 Se soigner pendant l'allaitement 

Anaïs Tamen


Rencontre avec Pauline Soupa, sage-femme indépendante et hospitalière, initiatrice de cercles de femmes enceintes autour du post-partum, à Bruxelles. Ces cercles sont l'occasion pour les femmes d'échanger leurs expériences, de retrouver les bienfaits de la sororité et d'en apprendre davantage sur une période souvent négligée pendant la grossesse où le suivi est concentré sur la naissance... Alors, comment prendre soin de sa santé pendant l'allaitement ?


Grandir Autrement : Comment booster son système immunitaire pendant l'allaitement ?


Pauline Soupa : Le plus important c'est de faire attention à son sommeil : c'est le plus grand manque que vivent les femmes, surtout quand ce n'est pas leur premier enfant. Il faut se discipliner et, en fonction de comment se passent les nuits, s'endormir au moins une fois par jour juste après avoir allaité son bébé. Sous l'influence de l'ocytocine produite lors de l’éjection du lait, la mère tombe directement en sommeil profond et ce sommeil est particulièrement récupérateur. Pour cela il faut se préparer à la sieste. Donc, avant d'allaiter, aller faire pipi, éteindre son téléphone, préparer un petit coin avec tout se dont on a besoin pour ne pas avoir à se relever. Si on se relève pour vite faire quelque chose pendant que l'enfant dort, l'effet des hormones ne fonctionne plus. Faire cela deux fois par jour c'est encore mieux ! En fonction des besoins, cela peut s’inscrire dans une routine quotidienne.


S'offrir une alimentation la plus vivante et nourrissante possible est aussi important2. Manger des légumes variés et de saison, des amandes qui sont galactogènes, du sésame, du miso, des algues, du miel, du pollen, des légumineuses, et aussi, quand on en consomme, des protéines animales qui, en Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) favorisent la récupération du Qi et du Sang3 après la naissance. En MTC, on évite les aliments froids, et on préfère les bouillons et tout ce qui cuit lentement. Chaque culture a au moins un plat spécialement dédié aux femmes en post-partum, comme la harira marocaine. A nous de questionner nos ainé-e-s pour retrouver ce savoir.


La femme allaitante, surtout après la naissance, doit adapter son rythme, c'est à dire ralentir et trouver du soutien, surtout quand il y a un ou des aîné-e-s.


Quand il y a des personnes malades dans l'entourage, notamment des enfants scolarisé-e-s qui ramènent parfois des virus de l'école, on peut, en préventif, diffuser des huiles essentielles dans l'espace de vie. Le Ravintsara est une des huiles essentielles (HE) qui est compatible avec l'allaitement. Pour les diffuser, les règles sont : en dehors de la présence des enfants. Si notre bébé à moins de 3 mois, il faut consulter un-e spécialiste avant d'utiliser des HE. De manière générale, il vaut mieux consulter une personne formée en aromathérapie ou un-e herboriste, car certaines huiles sont déconseillées avant 3 ans, d'autre avant 6 ans, et pour celles qui sont autorisées, les posologies et voies d’administration sont à adapter. Une alternative, plus douce avec moins de contre-indications que les HE : les hydrolats. Là encore, il est bon de prendre conseil.


Comme remède préventif, on peut faire une cure de propolis, d'extrait de pépins de pamplemousse ou de teinture mère d'échinacéa.


De manière générale, prendre soin de soi le plus possible c'est la base.


Prendre soin de soi ce n'est pas évident avec un.e tout.e petit.e...


Oui, le congé maternité n'a de « congé » que le nom. Je mets en garde les femmes qui accouchent l'été car parfois elles ne pensent pas du tout à prévoir du soutien pour les ainées. Elles se disent : « c'est super, les enfants seront à la maison... ». Or, ce n'est pas à celle qui vient d'accoucher de s'occuper des plus grand-e-s. Il faut une personne ressource pour toute la durée du 4ème trimestre, c’est ainsi qu’Ingrid Bayot, sage-femme québécoise, appelle la la période toute particulière que constituent les 3 premiers mois de vie du bébé. Dans toutes les cultures il y a cette période de repos pour la femme. Dans le Coran, c'est la symbolique des 40 jours après la naissance durant lesquels la femme s’abstient de certains actes (jeûne, rapports sexuels, …) mais surtout est assistée par d’autres femmes. En Europe et particulièrement en France, les relevailles étaient traditionnellement la cérémonie catholique qui permettait aux femmes de réintégrer les lieux de culte après un temps de repos chez elle ou elles étaient soutenues par les autres femmes de l’entourage. Désormais, nous sommes propulsées dans un quotidien fou juste après la naissance. Et les femmes aussi entrent dans cette dynamique. J'entends certaines femmes que j’accompagne dire « J'en profiterai pour faire ci ou ça... ». Sortir pour soi, se faire du bien, pour rencontrer des personnes encourageantes, oui. Répondre à des impératifs, non !



Et si la mère / le parent allaitant tombe malade ?


Je crois qu'on peut raisonnablement dire que la maladie vient comme un signal pour la mère et dans la grande majorité des cas, c'est un signe de grande fatigue. C'est donc le moment de questionner son quotidien, même si on avait l'impression d'avoir déjà ralenti. Le moment de se dire : « ok, je n’avais pas l'impression d'en faire trop mais qu'est-ce que je peux encore retirer de mes épaules ? Ou puis-je trouver du soutien ? ». La question du soutien et des personnes ressources, est à se poser durant la grossesse, avec le/la partenaire quand il y en a un-e.


Quand la maladie est là, on évite de s'auto-médicamenter. Que ce soit des médicaments allopathiques ou avec des alternatives naturelles, il vaut mieux demander conseils à quelqu'un qui s'y connait quand on n’est pas sûre de ce que l'on peut prendre ou pas.


Il est aussi important d'éviter les carences et, quand on en a, de les prendre au sérieux, surtout les carences en fer qui génèrent une fatigue chronique qui affaiblit le système immunitaire.


Peux-t-on allaiter quand on est malade ?


Oui, bien sûr, sauf dans quelques situations particulières : HIV, hépatite C si associée à des crevasses qui saignent par exemple.

Quand la mère tombe malade, elle transmet à son bébé les anticorps qu'elle fabrique. Comme le bébé suit sa mère partout, c'est très pratique. Le système immunitaire de la mère réagit plus vite que celui du bébé et elle lui transmet ce dont il a besoin pour se défendre.


Quand on a une intoxication alimentaire, une infection ORL,… bien sûr que l'on peut continuer à allaiter ! On doit respecter les règles d'hygiène de base : se tourner et éternuer ou tousser dans ses mains, puis bien se laver les mains.


Si on a une maladie chronique, dans la plupart des cas, on peut continuer à prendre son traitement et allaiter. Surtout, il ne faut pas décider d'arrêter seule un traitement. Je pense notamment aux femmes en dépression ou celles qui font de l'hypertension. Mieux vaut en parler à son médecin pour obtenir une alternative compatible.


Certains médecins proposent d'arrêter l'allaitement...


Cela peut arriver, et si une professionnel de la santé vous conseille d’arrêter l’allaitement alors que ce n’est pas votre souhait du moment, demandez un second avis. Beaucoup de professionnels de la santé ne sont pas assez formés au sujet de l'allaitement. J'ai déjà eu le cas d'un médecin conseillant à une mère qui avait une mastite de stopper immédiatement l'allaitement ! Or en cas de mastite, c'est bien la dernière chose à faire !


Les mères sont assaillies de conseils. Il faut nous rappeler que chaque situation est unique et que ce qui est bon pour notre meilleure amie ou notre voisine, ne l'est pas forcément pour nous.


1. www.leframboisier.be

2. Lire dans ce dossier « L'alimentation de la mère qui allaite »

3. en MTC, le Qi est l'énergie primordiale présente en toute chose, qui circule dans l'être et son environnement, et le Sang est le fruit de l'énergie de la nourriture, il est le sang tel que perçu en médecine occidentale et aussi l'énergie de ce liquide organique.

mercredi 17 août 2022

L'alimentation de la mère qui allaite

HS13 grandir autrement
Je remets à jour ces pages par la publication d'une série d'articles rédigés ces dernières années pour Grandir Autrement, qui je pense, seront utiles à plus grande échelle en étant aussi dispo ici.

Cet article a été publié dans le hors-série 13 de Grandir Autrement, dans le dossier "De la difficulté d'être un parent à l'écoute" disponible pour 3 euros dans la boutique en-ligne du magazine (magazine qui a grandement besoin de notre soutien). 



L'alimentation de la mère qui allaite

Anaïs Tamen - Septembre 2019 


Quand on allaite, on reçoit beaucoup de conseils non-sollicités, parfois contradictoires. Prendre soin de nos besoins et de ceux de notre enfant est l'occasion de cheminer vers une alimentation plus consciente, source de vitalité et de joie.

Nos habitudes alimentaires sont pétries de normes et valeurs culturelles, familiales, et parfois religieuses. Dur de remettre en question ce goût dont nous avons hérité dès notre vie intra-utérine par le liquide amniotique, puis par le lait maternel et à la table familiale...


Une alimentation bienveillante

Pourtant, manger plus sain est à la portée de tous. La base d'une alimentation bienveillante pour notre système « corps-cœur-mental », qui réponde à nos besoins à différents niveaux (nutrition, plaisir, éthique...) est certainement la conscience. S'informer et choisir ce dont nous nous nourrissons, acceptons de transformer, d'assimiler et de partager avec notre petit.e, est la clé.

Les règles de base suivantes1 bénéficieront à toute la famille :

  • Privilégier les produits frais, non ou peu transformés et les fruits et légumes locaux de saison (issus de l'agriculture raisonnée si possible).     
        

  • Manger plus de légumes verts et oranges.
        

  • Manger peu (ou pas) de sucre. Pour satisfaire les envies de sucre privilégier la consommation de fruits frais.
        

  • Lire les étiquettes pour éviter les additifs alimentaires artificiels et pouvoir repérer les allergènes.
        

  • Choisir de bonnes graisses végétales (vierges et de première pression à froid) riches en oméga-3. Éviter les graisses animales (graisses saturées) lourdes pour l'organisme, et potentiellement allergènes, et l'huile de palme. Notons que « la nature des graisses présentes dans le lait est très liée à celle consommée par la mère.2 »
        

  • Privilégier les cuissons lentes aux cuissons à haute température qui détruisent les nutriments et créent des « anti-nutriments » toxiques pour l'organisme.
        

  • Boire quand on a soif, de l'eau, des tisanes variées, des smoothies maison. Éviter les excitants et les boissons gazeuses et sucrées.


L'intelligence du lait

On estime qu'allaiter nécessite environ 600 calories en plus par jour. Cet excédent d'énergie requise, le corps le puise en partie dans la masse graisseuse qu'il a accumulée pendant la grossesse : « En l’absence de toute modification du métabolisme maternel ou augmentation des apports, cela représente 13 kg de masse grasse sur une période de 6 mois.3 »

La quantité de lait est déterminée par la succion du bébé. L'allaitement à la demande permet de répondre aux besoins du bébé, tant au niveau de la quantité que de la qualité du lait,qui évolue au fil de la journée et de l'âge de l'enfant. . Notons que : « les mères qui ont un lait très riche en graisses fabriquent habituellement moins de lait, et les mères qui ont un lait pauvre en graisses en fabriquent habituellement une plus grande quantité ».

Il est très intéressant d'observer qu'il existe peu de différence entre la composition du lait d'une femme mangeant à sa faim et d'une femme souffrant de malnutrition4. Cependant, si la mère n'accroit pas sa consommation de certains nutriments, c'est dans son organisme qu'ils seront puisés pour répondre aux besoins du bébé.


Éviter les carences

Durant l'allaitement, les besoins en vitamines A, B6 et C, zinc et iode augmentent de plus de 50 %5. Par ailleurs, en raison de l'appauvrissement de notre alimentation (entre autres dû à l'appauvrissement des sols par l'agriculture intensive et les mono-cultures), la plupart des femmes, qu'elles allaitent ou pas, ne couvrent pas leurs besoins en calcium, en fer, en zinc, en magnésium, en vitamine B6, en folates, et en vitamine D6. Cependant, « l’allaitement protège vis-à-vis de la carence en fer : l’aménorrhée de la lactation abaisse les pertes en fer chez la femme, et le taux lacté de fer est bas7 ».

Les précurseurs de la vitamine A qui permettent à notre corps de produire de la vitamine A se retrouvent dans tous les fruits et légumes colorés en particulier de couleur orange. Les bananes, les haricots et les pois-chiches, l'avocat, le saumon et les pistaches contiennent beaucoup de vitamine B6. La B9 se trouve dans la levure de bière maltée, l'avocat, la plupart des légumes verts et légumineuses. La vitamine C se trouve en grande quantité dans la baie d'églantier, l'argousier, l'ortie, le cassis, le persil et les herbes fraîches, et dans tous les fruits et légumes. Les algues marines, l'huile de foie de morue et la morue, l'ail frais et la farine de maïs sont riches en iode. Notons que le sel enrichi en iode serait suspecté d'une forte teneur en plomb...8 

Pour assurer nos besoins en calcium et en iode, on peut fabriquer du gomasio à base de sésame grillé mixé avec un sel de notre choix (10/1), et un peu d'algues ou d'herbes aromatiques sèches, et en saupoudrer nos salades et plats. En dehors des fruits de mer, on trouve du zinc dans le germe de blé, les graines de courges (source de magnésium, fer, phosphore, zinc, cuivre, potassium, calcium, vitamines A, B1 et B2, et d'oméga-3), les champignons shiitake et les lentilles.

On trouve du calcium en bonne quantité dans les figues sèches et dattes, le sésame complet et les amandes (qui contiennent aussi du magnésium et du potassium facilitant l’assimilation du calcium). Les légumes verts, dont le poireau, les brocolis, les épinards (à ne pas manger trop souvent du fait des nitrates) le persil, la mâche, le cresson, la roquette, et les algues, sont une bonne source d'apport. Les herbes aromatiques séchées (basilic, marjolaine, thym, herbes de Provence et Meloukhia) contiennent plus de calcium que les produits laitiers.

Attention, les vitamines sont souvent sensibles à la lumière, à la chaleur et se détériorent au cours du stockage. On préférera des produits frais ou à défaut congelés et les cuissons douces. Quand notre mode de vie est effréné, on peut aussi se tourner vers les vitamines dites « de grossesse ». Attention cependant au risque de se sentir « couverte » parce qu'on prend des compléments et de négliger la qualité notre alimentation, et prenons garde à choisir des compléments avec le moins d'additifs possibles.

Certaines situations sont plus sollicitantes pour le corps : jumeaux, allaitement lorsque l'on est enceinte, allaitement post-hémorragie, allaitement après des grossesses rapprochées, co-allaitement... Un accompagnement au cas par cas est nécessaire.


Végétalisme, allergies et régime

Tout comme en dehors de la grossesse et de l’allaitement, les végétaliennes doivent se supplémenter en vitamine B12. Notons que le lait produit par les mères végétariennes contient moins de polluants environnementaux que celui des mères consommant plus de graisses animales9. 

Les études sur le lien entre allergies et allaitement ne sont pas unanimes10 : certaines concluent à la prévention ou la réduction de manifestations allergiques, d'autres au risque possible de polysensibilisation. La prise de probiotiques et d'oméga-3 pendant la grossesse et l'allaitement (pour équilibrer le ratio oméga-3/oméga-611) semblerait limiter le risque allergique.

Quant à la question de la perte de poids, les régimes précoces ou la perte de plus de deux kilos par mois durant l'allaitement sont déconseillés. Apprenons à célébrer notre corps abondant qui nourrit notre enfant. Le post-partum ne devrait pas être une période de privation et de contraintes, mais l'occasion de prendre soin de nous et de notre enfant. N'attendons pas, et n'attendons personne, pour honorer nos formes et nos capacités de femmes créatrices, divines, qui donnent et nourrissent la vie ! Réunissons-nous entre femmes pour partager à ce sujet. Marchons et dansons avec nos bébés et bambin.e.s. Trouvons du plaisir à bouger, manger, créer et à être nous, en ce moment, tout simplement.



1 - Voir les recommandations de l'OMS : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/healthy-diet

2 - « Se nourrir quand on allaite », La Leche League (LLL), Allaiter aujourd'hui n° 113 (2017).

3 - « Implications de l’alimentation maternelle », LLL, Dossiers de l'Allaitement n° 67 (2006).

4 - Op. cit.

5 - Op. cit.

6 - Notons que plus la peau est foncée plus les besoins en vitamine D sont importants.

7 - LLL, 2006, op. cit.

8 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Sel_iodé

9 - LLL, 2017, op. cit.

10 - « Le casse-tête de l'allergie » : https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1131

11 - « Quelques interrogations sur la nutrition de la mère qui allaite », LLL, Allaiter aujourd'hui n° 64 (2005).

vendredi 19 juillet 2019

Marie Fournier, doula : un portrait

Je partage avec vous cet article publié dans le dossier "Sage-femmes/doulas" du magazine Grandir Autrement n°68Janvier/février 2018. 6,5€
Marie Fournier exerce à Bruxelles. J'ai  eu la chance de la rencontrer en 2013 dans un cycle d'atelier Faber& Mazilsh* (communication non-violente). Une belle âme à découvrir.

Doula… Doux, là… Une présence apaisante, proche, respectueuse de la mère et de son/sa partenaire, gardienne de leur liberté de choix, marraine-fée du cocon familial qui se tisse, voilà ce qu’est une doula. Nous avons rencontré Marie Fournier1, mère de deux enfants, accompagnante périnatale et parentale bruxelloise, formatrice en langage des signes pour bébés et en communication connectée, thérapeute psychocorporelle.
  • Grandir Autrement : Raconte-nous comment tu es devenue doula. Comment cela s’inscrit-il dans ton cheminement personnel ?
    Marie Fournier :
     Quand je suis tombée enceinte en 2011, j’étais en thérapie avec une femme qui proposait aussi du chant prénatal dans un centre dédié à la périnatalité2. J’y ai découvert l‘accompagnement global proposé par les sages-femmes indépendantes. C’était tellement précieux que la même personne soit présente du début à la fin, le respect de la physiologie, le non-jugement… Notre sage-femme nous donnait des informations diverses pour que nous fassions nos propres choix. Après la naissance, nous ne savions pas ce que l’arrivée de notre enfant allait nous raconter de nous-mêmes et de notre propre histoire. Elle nous a rassurés. J’ai aimé son approche et ça a fait son chemin en moi.
    Avec mon fils, Léo, j’ai fait mes premiers pas vers le maternage proximal. C’était tout nouveau pour moi. Il a fallu faire face à mes propres conditionnements et à l’entourage.
    J’étais professeure dans l’enseignement spécialisé et choquée par la violence des adultes envers ces jeunes issus de milieux déjà difficiles. En devenant maman, ça m’est devenu insupportable. Quand Léo a eu 6 mois, j’ai décidé de me former au métier de doula. En attendant la rentrée, j’ai appris le langage des signes pour bébés, que j’ai utilisé avec Léo et commencé à enseigner aux familles.
    Quand la formation de doula a débuté, ce qui m’intéressait, c’était d’être aux côtés des familles pour les aider à faire des choix libres des injonctions dominantes. Je me suis impliquée dans l’association belge Alter-Natives3, pour informer les parents des tenants et aboutissants des actes médicaux, pour qu’ils puissent faire des choix éclairés.
    Durant la formation, j’ai rencontré Hélène Gérin4 qui m’a parlé de la communication connectée. Pour moi, il était évident qu’on pouvait s’adresser à une part profonde de son enfant. Ma conscience s’est ouverte de plus en plus à l’intelligence et la richesse intérieure des bébés, à leur potentiel à nous faire évoluer.
    En 2013, je suis tombée enceinte et j’ai quitté mon travail. J’ai cheminé vers l’accouchement à domicile, avec la même sage-femme. Quand Loup est né en septembre 2014, j’étais doula en exercice depuis février. Cette naissance m’a mise en contact avec la puissance du féminin, la force de nos intentions et aussi de nos conditionnements. J’ai gagné une plus grande confiance en moi et en la vie. Avec Loup, j’ai poursuivi mon cheminement vers le maternage proximal. Il ne voulait pas être posé et a pleuré pendant six mois…
    Un an après sa naissance, j’ai commencé une formation de trois ans comme thérapeute psychocorporelle, d’abord pour moi, pour être plus dans mon corps. Tout s’est enchaîné de manière fluide.
  • Qu’est-ce qui t’anime le plus dans ton métier de doula ?J’aime accompagner les parents de bout en bout et surtout être présente pour la naissance. Cela crée une bulle, c’est intense, intime. C’est beau de voir comment la relation se tisse et comme ma simple présence pendant le travail apaise les parents. Parfois, quand j’arrive à un accouchement, je les sens très nerveux et puis au bout de quelques minutes, je sens qu’ils se déposent en eux, que le calme vient. Pour une femme, c’est incroyablement précieux de pouvoir être accompagnée à ce moment-ci de sa vie. Chaque femme devrait pouvoir bénéficier d’une personne à ses côtés, juste pour elle, pour son bien-être, que la naissance soit physiologique ou pas.
    Pendant ma formation de doula, j’ai accompagné plusieurs femmes réfugiées via la Croix-Rouge. Certaines ne parlaient pas français et le personnel hospitalier était infect avec elles… J’aurais aimé poursuivre mais en tant que maman séparée et indépendante5, je ne peux plus faire de bénévolat.
    Ce qui me motive, c’est d’aider les familles à remettre en question le prêt-à-penser.
  • Quel genre de demande d’accompagnement reçois-tu ?
    Le plus souvent, ce sont des femmes qui se sentent assez seules ou qui préfèrent être accompagnées par une femme pour la naissance. Ce n’est pas spécialement parce qu’elles n’ont pas de partenaire, mais souvent, c’est parce qu’il y a déjà eu des naissances et que celles-ci n’ont pas été bien vécues, notamment dans le lien au partenaire.
  • Justement, quel lien se crée-t-il avec le/la partenaire, l’accompagnement le/la prend-il aussi en compte ?Oui, tout à fait, je guide les partenaires de manière douce et les encourage à être présents. Je ne suis pas du tout là pour prendre la place du futur père ! Au contraire, je lui donne toute sa place en l’informant de ce qu’il peut faire pour accompagner sa compagne.
  • Comment la relation avec les parents se tisse-t-elle ? L’accompagnement est-il défini au début ou se dessine-t-il au fil de la grossesse ?C’est un accompagnement à la carte en fonction de chaque femme et de ce qu’elle traverse. Parfois, les rendez-vous ont lieu toutes les semaines, parfois toutes les trois semaines. Certaines viennent avant la conception, d’autres pendant un moment particulier de la grossesse pour travailler sur une peur, par exemple. Là, j’utilise la respiration consciente (pour retraverser ses peurs, sa propre naissance…) et ma casquette de thérapeute psychocorporelle. Je propose aussi des séances de communication connectée qui trouvent leur place dans l’accompagnement.
  • Ton offre s’est enrichie de tes pratiques et ton cheminement. Il y a une très grande diversité d’offres chez les doulas, en fonction des dons de chacune…Oui, la formation est large, j’y ai surtout appris l’accueil, l’écoute et le non-jugement. Chaque doula apporte ses spécificités en fonction de ce qu’elle développe de manière parallèle. Je propose des accompagnements et des formations à la communication connectée et à des techniques psychocorporelles, là où d’autres proposeront du portage, des ateliers de massage pour bébés, des conseils en Fleurs de Bach ou de l’hypnose prénatale6… Je crois que chaque femme tombe sur la doula dont elle a besoin. Et puis, la réalité est que la plupart des doulas ont besoin d’avoir un autre travail à côté car elles vivent difficilement des seuls accompagnements. L’accompagnement en tant que doula uniquement ne constitue pas la majorité de mes consultations. C’est aussi une activité difficile à concilier avec la vie de famille, encore plus si on est seule avec ses enfants.
  • Comment t’organises-tu alors ?Pour la naissance, je m’engage à être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant les deux semaines autour de la date prévue d’accouchement. Durant la grossesse, les femmes viennent à mon cabinet, sauf quand elles doivent être alitées. En post-partum, je me déplace.
  • Comment cela se passe-t-il à l’hôpital avec l’équipe médicale ? Et à domicile avec les sages-femmes ?À l’hôpital, j’ai toujours été très bien accueillie, même quand il y a un protocole du type « pas plus d’un accompagnant dans la salle de naissance ». J’ai remarqué que les sages-femmes hospitalières sont soulagées. Elles savent qu’une doula leur apporte un relais, qu’elles peuvent se décharger de l’accompagnement émotionnel en quelque sorte. À la maison ou à l’hôpital, je ne prends pas de place spécifique : j’observe, je suis présente et je m’adapte aux besoins de chacun.
  • C’est une sorte de danse entre toi et les personnes présentes.Oui, ça se fait naturellement. Parfois, je sens que je peux apporter un élément, un mot, un chant, une main posée… C’est très fluide. Une phrase peut libérer la mère d’un blocage. J’ai remarqué que le lien entre les femmes et moi était différent de celui qu’elles tissent avec la sage-femme. Elles se confient comme à une amie.

www.naitre-parents.be
www.naissentiel.be
www.alter-natives.be
4 Co-auteure des livres J’ai tant de choses à dire, Éditions Souffle d’Or (2012) et Ton cœur me parle et j’ai appris à l’écouter, Éditions Mille et Une Pépites (2016).
5 C’est-à-dire auto-entrepreneuse.
6 Ndlr : Il existe aussi des doulas qui ne proposent pas d’accompagnement thérapeutique, quel qu’il soit.

dimanche 3 mars 2019

Un café-poussette à Bruxelles : soutenir la ré-ouverture du Haricot Magique




Une jeune maman Bruxelloise, Rachida, m'a contactée récemment pour relayer son super projet : ouvrir à nouveau le Haricot magique, le seule café-poussette bruxellois fermé en juillet dernier.

Rachida a trouvé un espace à Ixelles, par le biais de See U, et lance un crowdfunding (une levée de fonds) auquel vous êtes invitez à participer iciL'inauguration du site est prévu pour le printemps 2019.

Voici toute les infos :)


Rachida : 


"Pourquoi ai-je décidé d'offrir au Haricot Magique une deuxième vie? Je ne surprendrai personne en dévoilant que c'est suite à ma vie de jeune maman bruxelloise que j'ai découvert le café poussette. En le fréquentant, j'y ai rencontré d'autres jeunes parents isolés, mon bébé y a suivi ses premiers ateliers (éveil muscial, psychomotricité etc.) et comme il n'existait aucun autre espace aussi bien pensé pour les loulous, je ne pouvais qu'en faire mon QG ;-) Lorsqu'au printemps dernier, j'ai appris qu'il allait fermer ses portes, je n'ai pas hésité à me lancer à sa rescousse! Je ne pouvais imaginer et encore moins accepter que le SEUL café poussette bruxellois disparaisse alors que la demande pour ce type d'espace à Bruxelles est criante. C'est comme ça qu'a débuté mon aventure de (entrep)repreneure ;-)"

Son projet :

"Le seul café poussette bruxellois: le "Haricot Magique" a fermé ses portes en juillet dernier. Mais qu'est-ce que c'était au juste?
* un espace pensé pour les familles où il fait bon se poser le temps de déguster boissons et petite restauration, partager des bons plans entre parents ou encore jouer avec ses petits copains.
* on y trouve tous les équipements et infrastructures qui riment avec une sortie réussie : parking à poussettes à l’entrée, grands espaces pour déambuler entre les tables, chaises hautes et rehausseurs, four à micro-ondes en libre-service, vaisselle et couverts adaptés, coins de table sécurisés, table à langer...
* un espace jeux spécialement dédié aux enfants qui permet aux parents de savourer un moment de quiétude pendant que les petits s’amusent. On y trouve un parc pour les plus petits, des tapis de psychomotricité, des coussins et un canapé, des jouets d’éveil et de construction, une bibliothèque regorgeant d’imagiers et de belles histoires pour les Haricots ;-)
C’est avant tout un café où les parents peuvent sortir avec leurs enfants sans craindre de déranger par le bruit, d’encombrer avec leur poussette, de ne pouvoir changer ou allaiter leurs enfants ou de devoir amener de quoi les occuper. Les futurs parents, parents ou les grands-parents, peuvent enfin se détendre s'ils décident de sortir avec leurs loulous !"


Les fonds seront utilisés pour :

La levée de fonds servira donc à aménager l'espace afin qu'il soit accueillant et cosy pour répondre au besoin des jeunes parents en quête d'un havre de paix baby friendly. 
L'aménagement prévoit notamment: 
  • Peinture                                                                        
  • Revêtement des sols
  • Mise en place de cloisons
  • Rafraîchissement et adaptation des sanitaires                                    
  • Installation d'un espace ateliers pour bébés/enfants        
  • Installation d’un espace pour les fêtes
  • Rénovation acoustique
  • Isolation
  • Eclairage spécifique
  • Divers (platrerie, menuiserie, carrelage…) 
Le montant des travaux sera certainement supérieur à l'objectif fixé. Votre aide précieuse permettra tout de même d’amortir le coût de ces travaux. 
L'inauguration du site est prévu pour le printemps 2019.



lundi 18 février 2019

The sleep of our children

J'ai traduit cet article Le sommeil de nos enfants en anglais pour un site anglophone.
Le voici pour vous aussi, pour partager avec vos amis qui ne lisent pas le français.
Sleep-related issues are at the center of family life, especially for the mother as they often start before birth. Nocturnal awakenings during pregnancy, due to the baby’s movements and the growing discomfort of lying down, suggests that Nature prepares us little by little to the next years of sleep shared with the child.
It may be a fact totally new to you but a child who does not sleep all night trough before 2 years is totally normal ! Even after 2 years, worrying or trying to make a child sleep by using a method or another is just a way to complicate your life and the life of your child. 
Some methods, such as 5-10-15 or “Cry It Out” (widespread methods which consist in letting a baby or child cry alone and check her/him after a certain time that gets longer and longer to train her/him to stop by herself/himself…) affect deeply children’s self-confidence and their ability to trust in life and in those who love them, their ability to connect and their capacity for empathy. Neurosciences discoveries on the importance of providing an emotionally safe environment to support the child development are now widely spread.
What we want ultimately is to translate in our parenting practices the expression of our unconditional love for our child, even if parenting bring up many challenges, stress, unmet needs and despair moments. When we are sleep-deprived, we are more prone to take advices from doctors or education “professionals” that does not resonate deeply within ourself. The best advice you can get is from your heart, as it knows your child more than anyone else can.
I understand the exhaustion of the interrupted nights for that I experienced the myself as a mother of two. Baby and toddler’s crazy sleeping patterns, family stomach flu party, nightmares… Children often express at night or bedtime what bothered them during the day. Sometimes, they use night-time to get the presence and attention they lacked during the day.

Check-list : what prevent my kid to sleep better?

Here is some questions to find out what is the need of your child when she/he wakes up at night.


Need to be breastfed : If you are breastfeeding, you may think that weaning your child at night will solve the problem… It does not ! At least not before the child would reach the age when her/his inner rhythm aligned with our social organisation of sleeping time (for my kids, 2 years for one and more for the other). Note also that the circadian rhythm start developing after 6 weeks, so newborns sleep patterns are naturally messy ! There are many reasons for nocturnal awakenings and the need to be breastfed gathers a whole series of needs :need of attention, contact, tenderness, need to be seen/acknowledged, thirst, hunger, need of antibodies to fight against an undeclared sickness, virus or germs, need to pee (but the child do not necessarily know how to ask when half-asleep, in the dark, without words, especially if she/he is not used to being listened to in her elimination needs). I personally think that breastfeeding at night is a super way for mummies and kids to ensure a good night of sleep, providing that you co-sleep with your child and breastfeed without really waking-up (in a sleeping position and in the dark).
Need to eliminate (pee or poo) : It is often the case and one can try elimination communication with babies and little one. (I will write about this topic in another article)
Needs to drink : Keep some water at reach to offer or that your child can take by himself/herself (make sure it’s part of his/her bed ritual : to fill it and to know that it is here close to the bed when he/she needs it).
Need to eat : Providing a snack before going to bed and even during the night can help. Do you know the story of the Night Banana?!..
When my daughter used to wake up too many times (in my perception) and asked for another breastfeed, another mother in a conscious parents group wispered in my ear to offer her a “night banana“…. This idea helped us both a lot because, indeed, she was hungry ! So for few weeks, before going to sleep I prepared half a banana in a small bowl and when she woke up, first I offered her to pee, then the breast, and then, later in the night (for a second or 3rd awakening), if it was not what she wanted, I offered the Night Banana…! She was delighted! Especially since she could take it herself and that it was a special attention made just for her. What magic this little piece of banana did to our night ! 
It did not last long (so I did not have to worry about teeth decay, etc.) and I also paid more attention to her meal in the evening + gave her a snack with vegetal proteins before going to bed. (note: the night banana concept does not work so well with a rice cracker… it’s too noisy and crumblier the bed..)

Need to be reassured : Nightmare, fear of darkness, scary shadows on the walls/curtains, noises at night, disruptive wifi waves, new sheets without the usual-known-family smell (did you use a new ecoproduct or essential oil for the laundry?), new environment, etc.
Need for contact, tenderness : especially for children who do not see their parents during the day, but also when the mother is pregnant, before the arrival of another child in the family, or during any change in the environment or the family dynamics (mourning, moving, traveling, etc.). 
Children are super adaptive but to a certain extend : they need (and are entitled) to understand what’s going on and be reassured. Thus, it is necessary to provide clear explanations to your child during the day with a appropriate vocabulary + to talk to her/him in his sleep to be able to say things that his conscious being of can not understand. This will bring peace to her/his unconscious and soul. When we talk to a child at night during her/his sleep, it is always with kindness, respect and briefly (no need to talk for 30 minutes).

Favorising a certain ritual for bedtime is also quite securing for the child. It's not about rigid routine but more about gentle signals to the child's body-mind that it's time to sleep : less stimulation (light, sounds), reading a story, sharing our gratitude for this day and things that were more difficult or need clarification, cuddling, taking a sound bath with soft healing instruments, massage, warming or cooling bath...
Need to alleviate pain : consider consulting an osteopath or craniosacral therapist specialized in babies / children. Your little one may have a discomfort that disturb her/his sleep patterns. Tensions in the jaws or the skull, lead children to claim more feedings to self-heal themself (with the sucking motion they re-adjust their skull bones).
Need to get rid of pinworms : worms can be really disturbing at night, when they wake up and lay eggs… The discomfort is stronger at new moon and full moon (period of intense spawning). To get rid of it, you can add crushed pumpkin seeds to the child’s food, offer her/him to eat raw carrots and drink infusions of fennel on an empty stomach.

If you have tried all of the above and the sleeping pattern of your child is still chaotic, you can turn to an homeopath or try out energetical approaches : either through the body, with massages such has tuina* or shiatsu* for kids (Traditional Chinese Medicine) or energetical work such as Theta Healing* or Reiki.

Mothering the mother

Do I need to mention that, day and night, parents have to share the care of their children ? In a patriarchal world, attachment parenting can easily lock up women in the traditional role of provider to the needs of all, before thier own needs.
It is essential that the mother’s partner takes his.her full share of responsibility for night care. For example: getting up at 6am with the child while the breastfeeding mother is sleeping longer or making it possible for her to have a nap time alone. 
As I write this, I see again how much the standard family model of 2 adults + kid(s) is a strong and unnecessary challenge (organisationally, emotionally…) that can be alleviate by living in communites and tribes to share the tasks.
_____________

Note : I am a certified shiatsu and tuina therapist and offer sessions for children, adults, pregnancy and birth. I also practice Theta Healing for 2 years on adults and children (through one of the parent if they are young). If you want more info on this technics or book a session, you can contact me on anais(at)anaistamen.com

mercredi 30 janvier 2019

La sexualité après la naissance



Article parut dans le numéro 63 du magazine Grandir Autrement, en mars/avril 2017. Ce numéro est disponible dans la boutique de Grandir Autrement pour 2,94€. Vous pouvez également vous abonner, ou abonner un-e ami-e ici. Par votre soutien, vous permettez la diffusion et la normalisation du maternage proximal et de l'éco-parentalité. Notre travail est principalement bénévole.

La sexualité après la naissance



Donner naissance à son enfant est une expérience unique pour chaque femme. Ce voyage initiatique vers soi et vers sa puissance de femme, qui débute à la conception, est un formidable catalyseur thérapeutique s’il est vécu dans l’acceptation de ce qui est. Que l’enfant naisse par voie haute ou basse, cet événement entraîne chez la femme des changements physiques et psychiques qui ont aussi un retentissement sur sa sexualité. Le/la partenaire aussi, en naissant parent, vit des transformations, même si elles sont moins visibles et le plus souvent induites en réaction aux changements chez la mère.

Le couple d’amants, mué en couple parental et fondu dans l’entité qu’est la famille, voit l’espace-temps dont il disposait réduit. S’offre alors pour chaque couple l’opportunité de trouver la créativité nécessaire à son épanouissement sexuel en jonglant avec les composantes de cette nouvelle donne : manque de sommeil, nouvelles sensations corporelles, allaitement, cododo, questionnement sur la contraception, etc.

Ainsi, tout comme elle nous révèle la magie et la simplicité de la vie et nous invite à la recherche de plus d’authenticité, la naissance d’un petit être est une belle occasion d’amener plus de conscience dans la rencontre amoureuse, sensuelle et sexuelle et de nous questionner sur l’image que l’on a de notre corps (ou de celui de notre compagne/compagnon), sur nos attentes envers l’autre, nos désirs, nos représentations. Sont-elles encore justes ? Peuvent-elles grandir avec nous ?

Témoignages de parents


Le premier enfant de Maud1, alors âgée de 24 ans, est né par césarienne après s’être retourné en siège pendant le travail. Pour Maud qui voulait accoucher à la maison, ce retournement de situation est vécu comme un échec. Durant quelques mois, elle ressent des douleurs abdominales qui rendent difficiles certaines positions lors des rapports sexuels. À cela s’ajoute une sécheresse vaginale due à l’allaitement. Maud tarde à utiliser un lubrifiant car elle ne comprend pas ce qui arrive et culpabilise : « Je pensais que je ne désirais pas assez mon homme, que je n’étais pas assez excitée. Utiliser un lubrifiant, c’était pour moiun échec. Quand j’ai compris que c’était une réaction physiologique normale, nous en avons utilisé et cela nous a aidés à retrouver une sexualité plus épanouie.»

Rachel, 35 ans, a subi une épisiotomie et ne ressent plus de plaisir : « J’ai essayé différentes pistes, mais rien n’y fait. Mon homme est compréhensif et m’a beaucoup soutenue. On arrive tout de même à se retrouver et à se faire du bien ensemble.»

Joëlle, 41 ans lors de la naissance par césarienne programmée de son premier enfant, a retrouvé rapidement une sexualité rayonnante : « J’avais beaucoup d’envies pendant la grossesse et mon compagnon était très attentif à ce que je ressentais. Il n’avait pas peur de faire mal au bébé et aimait beaucoup les changements de mon corps.» Son bébé se présente en siège et, après moult tentatives de retournement, Joëlle accepte une césarienne programmée. Elle vit très bien cette naissance en présence de la sage-femme qui l’a suivie. « Je suis restée quatre jours à l’hôpital et, à mon retour, nos rapports ont repris assez vite. Mes amies m’avaient prévenue qu’après une naissance par voie basse, la cicatrisation du périnée prenait du temps et cette attente me faisait peur car mon désir était fort. Je craignais aussi d’être blessée par une épisiotomie ou que mon vagin puisse perdre sa tonicité initiale. Finalement, il est intact. J’ai ressenti quelques gênes dans certainespositions les premiers temps, alors on s’est adaptés.»

Aujourd’hui, malgré une cicatrice qui la démange toujours et un ventre et des seins moins toniques qu’avant, Joëlle se sent désirable et désirée « car mon conjoint me trouve toujours très belle et c’est à lui que j’ai envie de plaire. Mon envie n’a pas changé mais, depuis mon accouchement, je suis moins excitée au début. Je ne ressens plus ce désir dans tout le corps mais par contre j’orgasme plus rapidement qu’avant, tout va très vite».

Joëlle allaite toujours sa fille de 2 ans et demi. Son conjoint la soutient dans cet allaitement tout en regardant toujours sa poitrine « comme une poitrine de femme».Mais la poitrine de Joëlle est devenue très sensible : « cela me dérange que mon conjoint caresse mes seins. Ça ne m’excite plus, sauf peut-être doucement pendant l’acte sexuel. Mon compagnon est patient mais il se sent parfois rejeté.»

Ce rejet Vadim, 34 ans, l’a aussi vécu. Père de deux enfants de 4 ans et 20 mois qu’il a tous deux accueillis entre ses mains à la naissance, il témoigne : « Même si je comprenais mon épouse, je me sentais frustré de ne pas pouvoir embrasser et caresser ses seins. Je pense même m’être demandé pourquoi le bébé y avait droit et pas moi. Plusieurs fois nous avons interrompu un rapport parce qu’elle s’ombrageait que j’essaie de lui toucher la poitrine. Maintenant, quand elle est excitée, c’est elle qui m’offre ses seins. J’attends que ça vienne d’elle, c’est plus simple. Après le premier accouchement, nous avons mis sept mois avant de reprendre des rapports avec pénétration. Mon épouse avait besoin d’être avec le bébé et lui aussi. J’avais peu de place dans cette équation et elle était très fatiguée. Et puis, elle est restée longtemps physiquement et émotionnellement blessée par la déchirure de son périnée. On se disputait beaucoup aussi. Pour le second c’était plus rapide mais, avec la fatigue, on n’était pas très actifs. Maintenant, j’essaie de me réjouir de chacune de nos retrouvailles amoureuses, quelle que soit la forme qu’elles prennent.»

Océane, 38 ans, mère de deux enfants de 9 ans et demi et 6 ans, se souvient avoir été fort fatiguée après ses accouchements et avoir eu besoin « d’un temps de pause»Elle s’est sentie comprise et épaulée par sa compagne, plus que ses amies hétérosexuelles qui subissaient parfois un peu de pression de la part de leur partenaire.

Anna, après son accouchement, n’a pas eu de rapports sexuels pendant un an. Elle met en cause les points de suture qu’elle a reçus alors (sur une déchirure naturelle) et l’épuisement de cette année. La relation avec son conjoint s’étiole, faute de communication : « Je n’ose pas accepter ses gestes tendres car alors il me saute rapidement dessus même si ce n’est pas le moment. Il s’oppose au cododo et dort seul. Quand je me relève après avoir endormi notre fille, il est collé à l’ordinateur et n’en lève plus le nez.»

Qu’en est-il de la crainte de certains hommes de ne plus désirer leur partenaire après avoir assisté à la naissance ? Elle n’a pas lieu d’être lorsque la femme est libre de ses mouvements et en confiance pendant la naissance. En effet, pour Caroline Bodel, sage-femme et psychologue : « La femme choisit majoritairement des positions physiologiques qui spontanément sont respectueuses de son intimité ». On est donc loin de la vision graphique de la position gynécologique. Il semblerait que, même dans cette éventualité, les hommes sont plus souvent ébahis par la force et le courage de leur partenaire.

Faire l’amour autrement


La sexualité et le rapport à son corps, au même titre que l'éducation, l'alimentation, la santé, la mobilité ou l'habitat, sont aussi des domaines à se réapproprier et à réinventer. Explorer en conscience nos attentes et nos pratiques et s'offrir un espace et un moment pour prendre soin de sa sexualité est déjà un bienfait en soi et un pas de côté salutaire par rapport au prêt-à-penser-et-consommer ambiant.

Certains couples organisent leurs rencontres pour s’assurer de se retrouver. Prendre rendez-vous permet de se réjouir à l’avance et nourrit l’excitation. Il est important que l’espace-temps créé soit une source de plaisir pour chacun des partenaires et pas une contrainte. Pour cela, les attentes et désirs doivent être explicites et aucune obligation ne doit être (im)posée pour permettre à chacun de vivre la rencontre en toute confiance. Laissez les corps et les cœurs parler et co-créer: câlin, massage, confidence... La rencontre sexuelle dans le couple est avant tout une rencontre sensuelle et amoureuse. Trop souvent les couples hétérosexuels se limitent à l’idée que faire l’amour implique une pénétration. Or la rencontre peut être délicieuse voire orgasmique de mille et une autres manières.

Que notre vie sensuelle soit généreuse, gourmande, emplie d’amour et de joie, comme tous les aspects de notre vie. En ramenant de la conscience dans notre vie amoureuse et sexuelle, ce que nous transmettrons à nos enfants en terme d’images, de préconceptions, tabous, attentes, etc. sera aussi plus léger et lumineux.



Pour aller plus loin


Le groupe de discussion « De lune à l'autre », un cercle de femmes virtuel pour aborder les questions de sexualité et de féminité en toute confiance : https://framalistes.org/sympa/info/de_lune_a_l_autre


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1 – Tous les prénoms de l’article ont été modifiés.

Remarque : le tout dernier paragraphe n'a pas été repris dans la version publiée en avril 2017. Je le reprends ici.

// Tous les articles de BLO ayant pour thème la sexualité se trouvent ici

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