dimanche 13 juillet 2014

De la violence éducative ordinaire à l'éducation non violente #1

Parc de Rodebeek (Woluwé-St-Lambert)

En ce moment, j'ai beaucoup de mal à appliquer les principes d'éducation non violente (ENV - appelée aussi parentalité positive ces dernières années) avec mon fils aîné de 2 ans et 8 mois. Il y a une série de raisons à cela: 
  • il est en pleine crise d'opposition, typique des enfants de 2-3 ans, en anglais on appelle même cette période The terrible two; 
  • nous venons de déménager dans un nouvel appartement mais aussi un nouveau quartier (ce qui implique donc beaucoup de changements pour lui et pour moi);
  • il vient d'avoir une petite soeur (et moi un bébé, ce qui implique un changement hormonal de taille, de la fatigue à revendre et une forte envie de passer du temps avec mon nouveau baby);
  • je lutte toujours avec ma frustration de ne pas pouvoir concilier tous mes projets, tout de suite ("you can have it all, but not at the same time", clament certaines féministes américaines).

Bref, j'ai l'impression de perdre ce nouveau langage, acquis à coup d'une volonté que la fatigue étiole et brouille. Comme beaucoup de "parents conscients" il m'arrive de douter de la parentalité positive en période de crise et de me demander si c'est bien la bonne voie. 

Intimement, oui j'en suis persuadée. C'est par le respect et l'écoute de nos enfants que nous les rendrons plus à même d'être à leur tour doux et patients avec leur prochain et de développer la confiance nécessaire pour savoir ce qui est bon pour eux, pour écouter leur intuition et leur "petite voix intérieure".

Donc, par ce billet je commence une série d'articles sur des situations que j'ai mal vécues et comment éviter de répéter mes "erreurs", tout en sachant sachant que, comme le dirait ma perle de sage-femme, "je fais du mieux que je peux avec les cartes du moment présent", donc, pas de culpabilité ici, no regrets!


épisode #1: partir du parc alors qu'il ne veut pas ou comment susciter sa collaboration.


Ce qui s'est passé: 


Lundi dernier, Nelson, Anouk et moi avons visité pour la première fois le parc de Rodebeek à Woluwé-St-Lambert. Un charmant petit parc avec quelques animaux en cage... (beaucoup de chèvres, des oiseaux, un âne et un poulain) et une belle plaine de jeux (un bac à sable, 2 toboggans, des balançoires et un totem à escalader).

Mon fils est très excité. Il court partout avec d'autres enfants, joue plus calmement avec le sable, puis grimpe et saute à l'aide d'autres mamans (ma fille dort dans l'écharpe donc je reste à l'écart). Le moment de partir approche, j'appréhende les bouchons, le retard, l'énervement inévitable de tous dans la voiture, ma propre fatigue qui monte, Anouk qui va se réveiller, la tétée et la couche à changer en plein vent qui vont suivre, etc. Rien de très positif donc.

Je préviens donc Nelson, les dents un peu serrées: "dans 10 min on part car il est tard, M. va passer à la maison et Papa nous attend". Je lui rappelle au bout de 5 minutes mais il refuse de m'écouter et pars en courant dès que je l'approche (dans la foulée ma fille se réveille). Je lui demande donc de me retrouver dans 5 minutes au banc, là où je vais changer la couche et ranger les affaires).

C'est le moment de partir, je me lève et lui fais signe. Aucune réaction en ma faveur, il court vers un autre jeu...

Je me dirige vers le portail de la plaine de jeux en m'auto-persudant qu'il va me rejoindre et que jamais je ne ferai marche arrière pour aller le chercher (je suis dans ma bulle, centrée sur l'impératif de rentrer maintenant).

Hahahaha! Après avoir appelé-crié 3 fois "NELSOOON!" sous les regards des autres parents, qui arborent la tête inamicale de ceux qui n'ont jamais rencontré ce problème, je me rends aussi calmement que possible vers lui à l'autre bout de la plaine de jeux. Là, je dois lui prendre la main pour qu'il reste près de moi. Je lui propose de mettre ses sandales et lui rappelle que nous allons rejoindre son père à la maison. Il refuse. 

Comme dirait Larrissa, je sens mon gorille colère qui s'emballe...

Je respire et opte pour une résolution de conflit version cash (ou trash, ou traditionnelle selon le point de vue): je lui dit "tu ne veux pas mettre tes sandales, ce n'est pas grave. Maintenant il est l'heure de partir alors on s'en va." Je lui empoigne le poignet et nous voilà parti, lui hurlant, moi serrant les dents à travers tout le parc jusqu'au parking. Je lui demanderai une autre fois s'il veut mettre ses souliers, puis finalement, à 2/3 du trajet, je lui demanderai de s'asseoir et les lui enfilerai sans résistance (mais il pleure toujours) en lui faisant la leçon (je suis fachée que tu ne m'écoute pas, je t'avais pourtant prévenue...")

Tout ça finit par un gros pipi devant la voiture dans laquelle il retrouve son doudou et sa tût. Quant à moi, je me sens une bien piètre mère, en tout cas pas celle que j'ai envie d'être.

+++

En relisant ce récit, je me rends compte que malgré tout il y a de la communication non violente (CNV) dans mes propos mais que c'est surtout l'énergie négative que je dégageais à ce moment là qui sape l'efficacité des outils (i.e. prévenir à l'avance, expliquer ce qui va se passer après - la visite, Papa qui attend - parler de mes besoins, etc.).


Ce qui pourrait se passer:


Ce jour là, je n'avais pas assez pris soin de mes propres besoins
  • je n'avais pas de goûter pour moi (comme j'allaite, j'ai faim) et pas assez d'eau (= stress hydrique, cf. Filliozat), 
  • j'avais accepté une visite à l'heure critique du retour à la maison, moment où les enfants ont besoin de décharger leur fatigue de la journée et où j'ai le plus de travail (m'occuper de chacun, faire le repas, etc.) 
  • et, consciente de mon erreur, j'appréhendais ce moment et culpabilisais déjà du ratage total qui se profilait

Donc, j'aurai pu mieux m'organiser pour profiter au mieux de cette sortie au vert improvisée après un rdv chez l'osthéo (mais prévisible).

En étant plus détendue, j'aurai pu prévenir mon fils de manière plus douce, avec le sourire, voire un trait d'humour

Si cela ne marchait pas, j'aurai pu m'interroger sur ses besoins et tâcher d'y répondre plutôt que de me focaliser sur mon objectif: il était fatigué et avait envie de faire pipi (= gros facteur de stress pour un petit enfant quand il n'a pas pas de couche et qu'on est dans un lieu public). 

Enfin, j'aurai pu (une fois le pipi fait et la réassurance d'un câlin rechargeur de batterie) l'aider à prendre une décision simple pour qu'il s'approprie la décision de partir bien qu'il s'amusait encore, grâce à l'outil magique des choix. Par exemple: "Tu veux faire combien de descentes de toboggan? 1, 2 ou 3? On compte ensemble? Oui? allez c'est parti!" ou encore: "quand tu es prêt tu viens me le dire et on s'en va". Ce dernier exemple est un peu plus audacieux mais, dit largement à temps, avec sérénité, sourire et aplomb (= l'enfant ne sent pas qu'il y a un super bouton explosif sur lequel appuyer pour faire sortir la colère de sa mère), ça marche.


Conclusion:


Je suis très agréablement surprise car j'ai rédigé cet article d'une traite sans consulter un seul des nombreux ouvrages d'ENV de ma bibliothèque. J'ai donc acquis un certains nombre de concepts et outils. Par contre, si je connais la théorie, pratiquer l'ENV reste une décision, voire un effort, de chaque instant. Face aux challenges de l'éducation, nous ne sommes pas égaux. Nos réactions diffèrent selon nos limites personnelles (pour certains c'est la propreté, pour d'autres se sera la nourriture, etc.), notre baggage (fardeau?) éducatif et notre situation présente. Quand on a reçu de la violence enfant, il est bien difficile de ne pas la reproduire. Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain article.

+++

Pour aller plus loin:


Des livres de référence, comme:


Et cet article (en anglais) de Kate du blog An everyday Story qui offre un outil, tout simple et touchant de sensibilité et de complicité parent-enfant, pour que votre enfant apprenne à attendre quelques instants quand vous parlez avec une autre personneTeach Your Child not to Interrupt in One Simple Step

----

Autre lecture inspirante du moment: Eve, auteure du journal de Liv et Emya répondu aux questions du Liebster Award que j'ai décerné à son blog.

----

Avez-vous signé et partagé la pétition pour une naissance respectée en Belgique?

1 commentaire:

Charlotte a dit…

Merci pour cet article. J'ai découvert ton blog en cherchant une école pour mon fils et j'y reviens très souvent. J'admire ton idée de faire savoir aux parents porteurs que leur mode de portage n'est pas physio. J'y ai souvent pensé et je n'ai jamais osé ... :) Bel été

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...