vendredi 26 décembre 2014

Le regard des autres : vivre ses choix de maternage avec sérénité

Photo: Diane Arbus
J'ai écrit cet article il y a plus d'un mois et j'ai beaucoup hésité à le publier. Je dois partager avec vous l'avancement de mes réflexions sur l'instruction en famille. Ici, elles transparaissent, de manière peu subtile. J'essaie sur BLO de mettre tout mon pragmatisme à votre service: les conseils pratiques sont en fin d'article.


Je reçois régulièrement des mails de parents témoignant de la difficulté de vivre leurs choix de maternage ou " d'éducation " face à leur entourage.

Au-delà même du cercle familial et amical,  c'est malheureusement notre société qui est trop peu consciente des besoins de l'enfant. Le mode de vie dominant est une négation criante de ces besoins. Combien d'enfants de plus de 3 ans croisez-vous en rue ou au parc en semaine durant la journée ? Combien de bébés et d'enfants voyagent en métro ? L'espace public en dehors des plaines de jeux n'est jamais pensé pour les petites personnes. Je vois rarement de signalétique à leur intention, de poignées, d'interrupteurs, de toilettes, de poubelles prévus pour eux.

Et pour cause, notre modèle économique nécessite la présence des parents au travail et la docilité de ses consommateurs. Il a créé alors les institutions nécessaires à l'occupation et à l'éducation des enfants. Par ce biais, il assure sa pérennisation en formatant les esprits : apprentissage de la compétition, du respect de l'autorité, fausse croyance selon laquelle on doit apprendre d'experts plus âgés,  nivellement des goûts, des centres d'intérêt, des aptitudes et des apprentissages. La crèche et l'école produisent des individus au comportement plus prévisible.

La nécessité de placer les enfants est justifiée par le besoin de socialisation (qui ne saurait bien évidemment être comblé hors de la crèche et de l'école, voyons!).

Aujourd'hui, en Belgique et en France, choisir de vivre au quotidien avec son enfant, de l'accompagner dans ses découvertes et d'apprendre aussi de lui, est un choix perçu comme marginal, radical, suspicieux. L'allaitement long, le portage, le respect et l'écoute des émotions, bref, tout ce qui comble les besoins de l'enfant et lui assure une autonomie et confiance en lui fortes et durables relèverait-il de la désobéissance civile ?

Car que se passe t-il quand nos besoins sont comblés ? On tient sur nos deux pieds tout seul, sans substitut (cigarette, alcool, achats compulsifs, sorties effrénées) et sans besoin de plaire donc d'être à la mode, regarder les séries en vogue, acheter et lire le dernier best-seller, aller chez le coiffeur, l'esthéticienne, avoir un beau canapé, un beau chien, de beaux enfants sages qui réussissent bien dans une école réputée, etc.

Quand on devient parent et que le souci de bien faire pousse à questionner le mode d'éducation dominant, on se marginalise. Car en refusant de s'éloigner de son petit en codifiant la relation naissante par la médiation d'une foule d'objets entre le bébé et la mère (poussette, relax, biberon, lit à barreaux, jouets, etc.) et/ou par des horaires strictes de tétées, puis des interdits en tout genre, c'est la base même de notre système societale individualiste et dénué de chaleur et d'humanisme que l'on rejette.

Mais rassurez-vous, vous n'êtes pas seul(e)!

Petit à petit, les pratiques de maternage proximal et de parentalité positive (ou éducation bienveillante) se répandent. Porter son enfant devient un peu tendance non ?!

Mais, revenons à l'essentiel: vous vous sentez isolé(e) dans vos choix. 
Alors que vous conseiller puisque j'ai la chance que l'on me demande mon avis ?

Voici quelques pistes de réflexion et d'action :


1. Le problème avec les choix de maternage et d'éducation c'est qu'ils touchent les gens au plus profond d'eux même. Parce que la plupart d'entre nous souffrent de ce qu'ils n'ont pas reçu (écoute de leurs besoins, bienveillance et respect de leur être tout entier), et/ou de ce qu'ils n'ont pas pu offrir. Une fois que l'on a conscience de cette souffrance, il est plus facile de comprendre les barrières mentales de son entourage "non-conscient" et de développer sa propre indulgence envers les autres (et envers soi-même).

2. Puisque les questions de maternage déclenchent des réactions émotionnelles, notre entourage peut nous faire sentir que les choix que nous posons vont à l' encontre de quelque chose (une norme, la logique, la sécurité, etc.) voire d'eux-mêmes. Il me semble important de se rappeler que l'on pose un choix conscient et positif, c'est-à-dire pas en opposition avec quelque chose (le système, la médecine, etc.) ou quelqu'un (votre mère, etc.) mais pour votre enfant. Quand c'est clair, on se sent plus léger (parce que ramer à contre-courant c'est épuisant).

3. On peut affermir ses choix en écoutant sa voix intérieure (i.e. ses tripes et son intuition) et en élargissant son esprit. Dans son livre  "S'occuper de soi et de ses enfants dans le calme" Sarah Napthali compare l'esprit à une quantité d'eau. Si un peu de poison (un commentaire désagréable par exemple) tombe dans un verre d'eau, on est empoisonné, alors que si la même quantité tombe dans un étang, on n'en sentira pas l'effet. Bref, ayons les idées larges et cultivons la tolérance ! (lire mon article Maternage et pleine conscience à ce sujet).

4. Sans mentir, on peut éviter de mentionner certains faits à ceux qui aiment donner des conseils non sollicités (c'est-à-dire tout le monde quand c'est votre premier enfant). Donc oui votre enfant dort et mange bien,  punt aan de lijn. Au docteur donneur de leçons, oui il dort dans son lit (après tout, c'est le sien autant que le vôtre!). On peut arrêter de tendre des perches en ne parlant pas de nos doutes ou de nos difficultés avec ceux qui n'ont pas posés les mêmes choix et réserver nos confidences aux listes de discussion ou au groupe de parents (Leche League, Peps café, groupe IEF BW-BXL, parents rencontrés dans un lieu d'accueil parents-enfants, au parc, etc.).

5. On peut s'entourer de personnes partageant des choix de vie similaires ou inspirants (cf. liste de groupe de parents ci-dessus). Au-delà de mon premier cercle et plus vibrant que mes lectures, ce sont toutes les belles rencontres que j'ai faites depuis que je suis maman qui nourrissent mon maternage.

6 On peut s'interroger sur notre besoin d'être validé dans nos choix. Si vous pouvez vous passer de l'approbation de votre mère /belle-mère /meilleur pote, c'est peut-être davantage de son aide dont vous avez besoin. Pouvez-vous obtenir cette aide ailleurs (notamment auprès d'une personne moins proche émotionnellement) ? Ou accepter que la personne en question vous offre ce dont elle est capable aujourd'hui compte tenu de son propre cheminement ?

7. On peut apprendre à dévier les conversations et à marquer clairement son territoire et ses positions, bref à s'affirmer et s'affranchir sans agressivité.

8. On peut éviter d'endosser la casquette de Madame-je-sais-tout prosélyte tellement usante pour vous et pour les autres (rassurez-vous, mais on passe presque tou(te)s par là surtout avec un premier enfant de moins de 2 ou 3 ans...)

9. A l'image du processus de désencombrement, quand une relation est toxique pour vous ou votre famille, est-ce nécessaire de la conserver si on ne peut la modifier ?

S'il ne fallait retenir qu'une chose ce serait sortez, allez à la rencontre des parents qui partagent vos aspirations et ont tant à vous offrir en chaleur humaine, écoute et inspiration.

5 commentaires:

couac a dit…

Bonjour,
merci pour ce texte qui m'a fait réfléchir ! Je suis aussi adepte du maternage enveloppant et portant et le sentiment que j'ai lorsque je parle de ma façon de faire autour de moi, c'est que les autres parents se sentent remis en question et critiqués quand ils entendent qu'on ne fait pas comme eux. Mais finalement j'en parle peu...

Merci d'avoir parlé des maisons vertes bruxelloises, je suis allée au gazouillis grâce à vous et j'ai adoré !

élisabeth

Cécilia a dit…

Très intéressant, simple et précis et ça fait du bien de le lire. C'est très important de montrer l'exemple et ça commence par assumer ses choix, selon moi et d'en être convaincue (ce qui n'est pas toujours évident, on a tous des échecs... ah non, pas moi :D ).
Ceci étant le rejet est global. Il suffit de dire que je suis végétalienne, en tant que simple information, pour qu'un débat sans fin et souvent agressif démarre. L'information donnée devient agression ressentie. Je ne sais pas analyser ça encore mais je le vis tous les jours... ^^ Bon courage les parents bienveillants ! <3

Antonina a dit…

Hello, Anais
(Sorry, my French is not so great as to write in it, so I'll write in English, if you don't mind).
It's Antonina - mom of Michael, who is also at EOS (Jde Sarah-Julie), we had a brief conversation once in the hallway. It's from your blog that I've learnt about EOS and I am forever grateful to you :)
I wanted to comment on your post, because all the things you wrote resonate deeply with me. You've given perfect advice on how to cope with the discomforting feelings of being against the stream. A couple of additional reflections:
- in point 2 you mentioned, that it's important to realise, that you are not making your choice to be against someone, but for your child. I find that extremely important and even more: it is important to clearly separate yourself (and your inner child) who may not have received the kind of care you wanted and your actual child (your son or daughter). Too often parents see themselves in their children (especially if they were traumatised in childhood) and want to make it right through making the choices they hope should have been made for them. And while usually it works fine (it's great to learn on mistakes), sometimes the actual child and his desires, character, temperament can be overlooked. For example, the parent suffered in school and now decides to home-school his child, but his child is a different person and may actually benefit from school (may be an alternative kind, but still). My point is that we need to be careful and always try to see clearly the reasons behind our choices.
- That leads me to my next point: the more I have experience as a mother, observing others, etc the more I believe that the greatest gift that we, as parents can give to our children is not to develop them, but to develop ourselves as humans, which means healing our past traumas (if they exist), build strong relationships, listen to our emotions etc. If we do so towards ourselves, we will naturally do so towards our children and this will serve as a best role model.

Thanks again for your blog. Keep posting!
Kind regards,
Antonina

Anaïs a dit…

Thank you Antonina :) I totally agree with your observations and could not have write it better. When I first started to struggle as a mother I try to be a better mum by reading so much books and blogs and I went to see some professionals to help me out with my child (osthéopathe, kinésiologues, homéopathes, whatever). And finally I came to the same conclusion as you: I had to work on my own well-being first. Afterwards, it's my life, my path, and my children work along with me for now and I want to try to be a loving place, a calm center in the raging life for them. I fail everyday, but I try everyday :) Thanx for sharing.

Anaïs a dit…

Je réalise que je n'ai pas répondu à Couac et Cécilia... oups! Merci pour vos commentaires :)
Les grands débats sur le végétalisme, je connais :) courage!

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