vendredi 19 juillet 2019

Marie Fournier, doula : un portrait

Je partage avec vous cet article publié dans le dossier "Sage-femmes/doulas" du magazine Grandir Autrement n°68Janvier/février 2018. 6,5€
Marie Fournier exerce à Bruxelles. J'ai  eu la chance de la rencontrer en 2013 dans un cycle d'atelier Faber& Mazilsh* (communication non-violente). Une belle âme à découvrir.

Doula… Doux, là… Une présence apaisante, proche, respectueuse de la mère et de son/sa partenaire, gardienne de leur liberté de choix, marraine-fée du cocon familial qui se tisse, voilà ce qu’est une doula. Nous avons rencontré Marie Fournier1, mère de deux enfants, accompagnante périnatale et parentale bruxelloise, formatrice en langage des signes pour bébés et en communication connectée, thérapeute psychocorporelle.
  • Grandir Autrement : Raconte-nous comment tu es devenue doula. Comment cela s’inscrit-il dans ton cheminement personnel ?
    Marie Fournier :
     Quand je suis tombée enceinte en 2011, j’étais en thérapie avec une femme qui proposait aussi du chant prénatal dans un centre dédié à la périnatalité2. J’y ai découvert l‘accompagnement global proposé par les sages-femmes indépendantes. C’était tellement précieux que la même personne soit présente du début à la fin, le respect de la physiologie, le non-jugement… Notre sage-femme nous donnait des informations diverses pour que nous fassions nos propres choix. Après la naissance, nous ne savions pas ce que l’arrivée de notre enfant allait nous raconter de nous-mêmes et de notre propre histoire. Elle nous a rassurés. J’ai aimé son approche et ça a fait son chemin en moi.
    Avec mon fils, Léo, j’ai fait mes premiers pas vers le maternage proximal. C’était tout nouveau pour moi. Il a fallu faire face à mes propres conditionnements et à l’entourage.
    J’étais professeure dans l’enseignement spécialisé et choquée par la violence des adultes envers ces jeunes issus de milieux déjà difficiles. En devenant maman, ça m’est devenu insupportable. Quand Léo a eu 6 mois, j’ai décidé de me former au métier de doula. En attendant la rentrée, j’ai appris le langage des signes pour bébés, que j’ai utilisé avec Léo et commencé à enseigner aux familles.
    Quand la formation de doula a débuté, ce qui m’intéressait, c’était d’être aux côtés des familles pour les aider à faire des choix libres des injonctions dominantes. Je me suis impliquée dans l’association belge Alter-Natives3, pour informer les parents des tenants et aboutissants des actes médicaux, pour qu’ils puissent faire des choix éclairés.
    Durant la formation, j’ai rencontré Hélène Gérin4 qui m’a parlé de la communication connectée. Pour moi, il était évident qu’on pouvait s’adresser à une part profonde de son enfant. Ma conscience s’est ouverte de plus en plus à l’intelligence et la richesse intérieure des bébés, à leur potentiel à nous faire évoluer.
    En 2013, je suis tombée enceinte et j’ai quitté mon travail. J’ai cheminé vers l’accouchement à domicile, avec la même sage-femme. Quand Loup est né en septembre 2014, j’étais doula en exercice depuis février. Cette naissance m’a mise en contact avec la puissance du féminin, la force de nos intentions et aussi de nos conditionnements. J’ai gagné une plus grande confiance en moi et en la vie. Avec Loup, j’ai poursuivi mon cheminement vers le maternage proximal. Il ne voulait pas être posé et a pleuré pendant six mois…
    Un an après sa naissance, j’ai commencé une formation de trois ans comme thérapeute psychocorporelle, d’abord pour moi, pour être plus dans mon corps. Tout s’est enchaîné de manière fluide.
  • Qu’est-ce qui t’anime le plus dans ton métier de doula ?J’aime accompagner les parents de bout en bout et surtout être présente pour la naissance. Cela crée une bulle, c’est intense, intime. C’est beau de voir comment la relation se tisse et comme ma simple présence pendant le travail apaise les parents. Parfois, quand j’arrive à un accouchement, je les sens très nerveux et puis au bout de quelques minutes, je sens qu’ils se déposent en eux, que le calme vient. Pour une femme, c’est incroyablement précieux de pouvoir être accompagnée à ce moment-ci de sa vie. Chaque femme devrait pouvoir bénéficier d’une personne à ses côtés, juste pour elle, pour son bien-être, que la naissance soit physiologique ou pas.
    Pendant ma formation de doula, j’ai accompagné plusieurs femmes réfugiées via la Croix-Rouge. Certaines ne parlaient pas français et le personnel hospitalier était infect avec elles… J’aurais aimé poursuivre mais en tant que maman séparée et indépendante5, je ne peux plus faire de bénévolat.
    Ce qui me motive, c’est d’aider les familles à remettre en question le prêt-à-penser.
  • Quel genre de demande d’accompagnement reçois-tu ?
    Le plus souvent, ce sont des femmes qui se sentent assez seules ou qui préfèrent être accompagnées par une femme pour la naissance. Ce n’est pas spécialement parce qu’elles n’ont pas de partenaire, mais souvent, c’est parce qu’il y a déjà eu des naissances et que celles-ci n’ont pas été bien vécues, notamment dans le lien au partenaire.
  • Justement, quel lien se crée-t-il avec le/la partenaire, l’accompagnement le/la prend-il aussi en compte ?Oui, tout à fait, je guide les partenaires de manière douce et les encourage à être présents. Je ne suis pas du tout là pour prendre la place du futur père ! Au contraire, je lui donne toute sa place en l’informant de ce qu’il peut faire pour accompagner sa compagne.
  • Comment la relation avec les parents se tisse-t-elle ? L’accompagnement est-il défini au début ou se dessine-t-il au fil de la grossesse ?C’est un accompagnement à la carte en fonction de chaque femme et de ce qu’elle traverse. Parfois, les rendez-vous ont lieu toutes les semaines, parfois toutes les trois semaines. Certaines viennent avant la conception, d’autres pendant un moment particulier de la grossesse pour travailler sur une peur, par exemple. Là, j’utilise la respiration consciente (pour retraverser ses peurs, sa propre naissance…) et ma casquette de thérapeute psychocorporelle. Je propose aussi des séances de communication connectée qui trouvent leur place dans l’accompagnement.
  • Ton offre s’est enrichie de tes pratiques et ton cheminement. Il y a une très grande diversité d’offres chez les doulas, en fonction des dons de chacune…Oui, la formation est large, j’y ai surtout appris l’accueil, l’écoute et le non-jugement. Chaque doula apporte ses spécificités en fonction de ce qu’elle développe de manière parallèle. Je propose des accompagnements et des formations à la communication connectée et à des techniques psychocorporelles, là où d’autres proposeront du portage, des ateliers de massage pour bébés, des conseils en Fleurs de Bach ou de l’hypnose prénatale6… Je crois que chaque femme tombe sur la doula dont elle a besoin. Et puis, la réalité est que la plupart des doulas ont besoin d’avoir un autre travail à côté car elles vivent difficilement des seuls accompagnements. L’accompagnement en tant que doula uniquement ne constitue pas la majorité de mes consultations. C’est aussi une activité difficile à concilier avec la vie de famille, encore plus si on est seule avec ses enfants.
  • Comment t’organises-tu alors ?Pour la naissance, je m’engage à être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant les deux semaines autour de la date prévue d’accouchement. Durant la grossesse, les femmes viennent à mon cabinet, sauf quand elles doivent être alitées. En post-partum, je me déplace.
  • Comment cela se passe-t-il à l’hôpital avec l’équipe médicale ? Et à domicile avec les sages-femmes ?À l’hôpital, j’ai toujours été très bien accueillie, même quand il y a un protocole du type « pas plus d’un accompagnant dans la salle de naissance ». J’ai remarqué que les sages-femmes hospitalières sont soulagées. Elles savent qu’une doula leur apporte un relais, qu’elles peuvent se décharger de l’accompagnement émotionnel en quelque sorte. À la maison ou à l’hôpital, je ne prends pas de place spécifique : j’observe, je suis présente et je m’adapte aux besoins de chacun.
  • C’est une sorte de danse entre toi et les personnes présentes.Oui, ça se fait naturellement. Parfois, je sens que je peux apporter un élément, un mot, un chant, une main posée… C’est très fluide. Une phrase peut libérer la mère d’un blocage. J’ai remarqué que le lien entre les femmes et moi était différent de celui qu’elles tissent avec la sage-femme. Elles se confient comme à une amie.

www.naitre-parents.be
www.naissentiel.be
www.alter-natives.be
4 Co-auteure des livres J’ai tant de choses à dire, Éditions Souffle d’Or (2012) et Ton cœur me parle et j’ai appris à l’écouter, Éditions Mille et Une Pépites (2016).
5 C’est-à-dire auto-entrepreneuse.
6 Ndlr : Il existe aussi des doulas qui ne proposent pas d’accompagnement thérapeutique, quel qu’il soit.

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