mercredi 17 août 2022

L'alimentation de la mère qui allaite

HS13 grandir autrement
Je remets à jour ces pages par la publication d'une série d'articles rédigés ces dernières années pour Grandir Autrement, qui je pense, seront utiles à plus grande échelle en étant aussi dispo ici.

Cet article a été publié dans le hors-série 13 de Grandir Autrement, dans le dossier "De la difficulté d'être un parent à l'écoute" disponible pour 3 euros dans la boutique en-ligne du magazine (magazine qui a grandement besoin de notre soutien). 



L'alimentation de la mère qui allaite

Anaïs Tamen - Septembre 2019 


Quand on allaite, on reçoit beaucoup de conseils non-sollicités, parfois contradictoires. Prendre soin de nos besoins et de ceux de notre enfant est l'occasion de cheminer vers une alimentation plus consciente, source de vitalité et de joie.

Nos habitudes alimentaires sont pétries de normes et valeurs culturelles, familiales, et parfois religieuses. Dur de remettre en question ce goût dont nous avons hérité dès notre vie intra-utérine par le liquide amniotique, puis par le lait maternel et à la table familiale...


Une alimentation bienveillante

Pourtant, manger plus sain est à la portée de tous. La base d'une alimentation bienveillante pour notre système « corps-cœur-mental », qui réponde à nos besoins à différents niveaux (nutrition, plaisir, éthique...) est certainement la conscience. S'informer et choisir ce dont nous nous nourrissons, acceptons de transformer, d'assimiler et de partager avec notre petit.e, est la clé.

Les règles de base suivantes1 bénéficieront à toute la famille :

  • Privilégier les produits frais, non ou peu transformés et les fruits et légumes locaux de saison (issus de l'agriculture raisonnée si possible).     
        

  • Manger plus de légumes verts et oranges.
        

  • Manger peu (ou pas) de sucre. Pour satisfaire les envies de sucre privilégier la consommation de fruits frais.
        

  • Lire les étiquettes pour éviter les additifs alimentaires artificiels et pouvoir repérer les allergènes.
        

  • Choisir de bonnes graisses végétales (vierges et de première pression à froid) riches en oméga-3. Éviter les graisses animales (graisses saturées) lourdes pour l'organisme, et potentiellement allergènes, et l'huile de palme. Notons que « la nature des graisses présentes dans le lait est très liée à celle consommée par la mère.2 »
        

  • Privilégier les cuissons lentes aux cuissons à haute température qui détruisent les nutriments et créent des « anti-nutriments » toxiques pour l'organisme.
        

  • Boire quand on a soif, de l'eau, des tisanes variées, des smoothies maison. Éviter les excitants et les boissons gazeuses et sucrées.


L'intelligence du lait

On estime qu'allaiter nécessite environ 600 calories en plus par jour. Cet excédent d'énergie requise, le corps le puise en partie dans la masse graisseuse qu'il a accumulée pendant la grossesse : « En l’absence de toute modification du métabolisme maternel ou augmentation des apports, cela représente 13 kg de masse grasse sur une période de 6 mois.3 »

La quantité de lait est déterminée par la succion du bébé. L'allaitement à la demande permet de répondre aux besoins du bébé, tant au niveau de la quantité que de la qualité du lait,qui évolue au fil de la journée et de l'âge de l'enfant. . Notons que : « les mères qui ont un lait très riche en graisses fabriquent habituellement moins de lait, et les mères qui ont un lait pauvre en graisses en fabriquent habituellement une plus grande quantité ».

Il est très intéressant d'observer qu'il existe peu de différence entre la composition du lait d'une femme mangeant à sa faim et d'une femme souffrant de malnutrition4. Cependant, si la mère n'accroit pas sa consommation de certains nutriments, c'est dans son organisme qu'ils seront puisés pour répondre aux besoins du bébé.


Éviter les carences

Durant l'allaitement, les besoins en vitamines A, B6 et C, zinc et iode augmentent de plus de 50 %5. Par ailleurs, en raison de l'appauvrissement de notre alimentation (entre autres dû à l'appauvrissement des sols par l'agriculture intensive et les mono-cultures), la plupart des femmes, qu'elles allaitent ou pas, ne couvrent pas leurs besoins en calcium, en fer, en zinc, en magnésium, en vitamine B6, en folates, et en vitamine D6. Cependant, « l’allaitement protège vis-à-vis de la carence en fer : l’aménorrhée de la lactation abaisse les pertes en fer chez la femme, et le taux lacté de fer est bas7 ».

Les précurseurs de la vitamine A qui permettent à notre corps de produire de la vitamine A se retrouvent dans tous les fruits et légumes colorés en particulier de couleur orange. Les bananes, les haricots et les pois-chiches, l'avocat, le saumon et les pistaches contiennent beaucoup de vitamine B6. La B9 se trouve dans la levure de bière maltée, l'avocat, la plupart des légumes verts et légumineuses. La vitamine C se trouve en grande quantité dans la baie d'églantier, l'argousier, l'ortie, le cassis, le persil et les herbes fraîches, et dans tous les fruits et légumes. Les algues marines, l'huile de foie de morue et la morue, l'ail frais et la farine de maïs sont riches en iode. Notons que le sel enrichi en iode serait suspecté d'une forte teneur en plomb...8 

Pour assurer nos besoins en calcium et en iode, on peut fabriquer du gomasio à base de sésame grillé mixé avec un sel de notre choix (10/1), et un peu d'algues ou d'herbes aromatiques sèches, et en saupoudrer nos salades et plats. En dehors des fruits de mer, on trouve du zinc dans le germe de blé, les graines de courges (source de magnésium, fer, phosphore, zinc, cuivre, potassium, calcium, vitamines A, B1 et B2, et d'oméga-3), les champignons shiitake et les lentilles.

On trouve du calcium en bonne quantité dans les figues sèches et dattes, le sésame complet et les amandes (qui contiennent aussi du magnésium et du potassium facilitant l’assimilation du calcium). Les légumes verts, dont le poireau, les brocolis, les épinards (à ne pas manger trop souvent du fait des nitrates) le persil, la mâche, le cresson, la roquette, et les algues, sont une bonne source d'apport. Les herbes aromatiques séchées (basilic, marjolaine, thym, herbes de Provence et Meloukhia) contiennent plus de calcium que les produits laitiers.

Attention, les vitamines sont souvent sensibles à la lumière, à la chaleur et se détériorent au cours du stockage. On préférera des produits frais ou à défaut congelés et les cuissons douces. Quand notre mode de vie est effréné, on peut aussi se tourner vers les vitamines dites « de grossesse ». Attention cependant au risque de se sentir « couverte » parce qu'on prend des compléments et de négliger la qualité notre alimentation, et prenons garde à choisir des compléments avec le moins d'additifs possibles.

Certaines situations sont plus sollicitantes pour le corps : jumeaux, allaitement lorsque l'on est enceinte, allaitement post-hémorragie, allaitement après des grossesses rapprochées, co-allaitement... Un accompagnement au cas par cas est nécessaire.


Végétalisme, allergies et régime

Tout comme en dehors de la grossesse et de l’allaitement, les végétaliennes doivent se supplémenter en vitamine B12. Notons que le lait produit par les mères végétariennes contient moins de polluants environnementaux que celui des mères consommant plus de graisses animales9. 

Les études sur le lien entre allergies et allaitement ne sont pas unanimes10 : certaines concluent à la prévention ou la réduction de manifestations allergiques, d'autres au risque possible de polysensibilisation. La prise de probiotiques et d'oméga-3 pendant la grossesse et l'allaitement (pour équilibrer le ratio oméga-3/oméga-611) semblerait limiter le risque allergique.

Quant à la question de la perte de poids, les régimes précoces ou la perte de plus de deux kilos par mois durant l'allaitement sont déconseillés. Apprenons à célébrer notre corps abondant qui nourrit notre enfant. Le post-partum ne devrait pas être une période de privation et de contraintes, mais l'occasion de prendre soin de nous et de notre enfant. N'attendons pas, et n'attendons personne, pour honorer nos formes et nos capacités de femmes créatrices, divines, qui donnent et nourrissent la vie ! Réunissons-nous entre femmes pour partager à ce sujet. Marchons et dansons avec nos bébés et bambin.e.s. Trouvons du plaisir à bouger, manger, créer et à être nous, en ce moment, tout simplement.



1 - Voir les recommandations de l'OMS : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/healthy-diet

2 - « Se nourrir quand on allaite », La Leche League (LLL), Allaiter aujourd'hui n° 113 (2017).

3 - « Implications de l’alimentation maternelle », LLL, Dossiers de l'Allaitement n° 67 (2006).

4 - Op. cit.

5 - Op. cit.

6 - Notons que plus la peau est foncée plus les besoins en vitamine D sont importants.

7 - LLL, 2006, op. cit.

8 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Sel_iodé

9 - LLL, 2017, op. cit.

10 - « Le casse-tête de l'allergie » : https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1131

11 - « Quelques interrogations sur la nutrition de la mère qui allaite », LLL, Allaiter aujourd'hui n° 64 (2005).

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