mercredi 30 janvier 2019

La sexualité après la naissance



Article parut dans le numéro 63 du magazine Grandir Autrement, en mars/avril 2017. Ce numéro est disponible dans la boutique de Grandir Autrement pour 2,94€. Vous pouvez également vous abonner, ou abonner un-e ami-e ici. Par votre soutien, vous permettez la diffusion et la normalisation du maternage proximal et de l'éco-parentalité. Notre travail est principalement bénévole.

La sexualité après la naissance



Donner naissance à son enfant est une expérience unique pour chaque femme. Ce voyage initiatique vers soi et vers sa puissance de femme, qui débute à la conception, est un formidable catalyseur thérapeutique s’il est vécu dans l’acceptation de ce qui est. Que l’enfant naisse par voie haute ou basse, cet événement entraîne chez la femme des changements physiques et psychiques qui ont aussi un retentissement sur sa sexualité. Le/la partenaire aussi, en naissant parent, vit des transformations, même si elles sont moins visibles et le plus souvent induites en réaction aux changements chez la mère.

Le couple d’amants, mué en couple parental et fondu dans l’entité qu’est la famille, voit l’espace-temps dont il disposait réduit. S’offre alors pour chaque couple l’opportunité de trouver la créativité nécessaire à son épanouissement sexuel en jonglant avec les composantes de cette nouvelle donne : manque de sommeil, nouvelles sensations corporelles, allaitement, cododo, questionnement sur la contraception, etc.

Ainsi, tout comme elle nous révèle la magie et la simplicité de la vie et nous invite à la recherche de plus d’authenticité, la naissance d’un petit être est une belle occasion d’amener plus de conscience dans la rencontre amoureuse, sensuelle et sexuelle et de nous questionner sur l’image que l’on a de notre corps (ou de celui de notre compagne/compagnon), sur nos attentes envers l’autre, nos désirs, nos représentations. Sont-elles encore justes ? Peuvent-elles grandir avec nous ?

Témoignages de parents


Le premier enfant de Maud1, alors âgée de 24 ans, est né par césarienne après s’être retourné en siège pendant le travail. Pour Maud qui voulait accoucher à la maison, ce retournement de situation est vécu comme un échec. Durant quelques mois, elle ressent des douleurs abdominales qui rendent difficiles certaines positions lors des rapports sexuels. À cela s’ajoute une sécheresse vaginale due à l’allaitement. Maud tarde à utiliser un lubrifiant car elle ne comprend pas ce qui arrive et culpabilise : « Je pensais que je ne désirais pas assez mon homme, que je n’étais pas assez excitée. Utiliser un lubrifiant, c’était pour moiun échec. Quand j’ai compris que c’était une réaction physiologique normale, nous en avons utilisé et cela nous a aidés à retrouver une sexualité plus épanouie.»

Rachel, 35 ans, a subi une épisiotomie et ne ressent plus de plaisir : « J’ai essayé différentes pistes, mais rien n’y fait. Mon homme est compréhensif et m’a beaucoup soutenue. On arrive tout de même à se retrouver et à se faire du bien ensemble.»

Joëlle, 41 ans lors de la naissance par césarienne programmée de son premier enfant, a retrouvé rapidement une sexualité rayonnante : « J’avais beaucoup d’envies pendant la grossesse et mon compagnon était très attentif à ce que je ressentais. Il n’avait pas peur de faire mal au bébé et aimait beaucoup les changements de mon corps.» Son bébé se présente en siège et, après moult tentatives de retournement, Joëlle accepte une césarienne programmée. Elle vit très bien cette naissance en présence de la sage-femme qui l’a suivie. « Je suis restée quatre jours à l’hôpital et, à mon retour, nos rapports ont repris assez vite. Mes amies m’avaient prévenue qu’après une naissance par voie basse, la cicatrisation du périnée prenait du temps et cette attente me faisait peur car mon désir était fort. Je craignais aussi d’être blessée par une épisiotomie ou que mon vagin puisse perdre sa tonicité initiale. Finalement, il est intact. J’ai ressenti quelques gênes dans certainespositions les premiers temps, alors on s’est adaptés.»

Aujourd’hui, malgré une cicatrice qui la démange toujours et un ventre et des seins moins toniques qu’avant, Joëlle se sent désirable et désirée « car mon conjoint me trouve toujours très belle et c’est à lui que j’ai envie de plaire. Mon envie n’a pas changé mais, depuis mon accouchement, je suis moins excitée au début. Je ne ressens plus ce désir dans tout le corps mais par contre j’orgasme plus rapidement qu’avant, tout va très vite».

Joëlle allaite toujours sa fille de 2 ans et demi. Son conjoint la soutient dans cet allaitement tout en regardant toujours sa poitrine « comme une poitrine de femme».Mais la poitrine de Joëlle est devenue très sensible : « cela me dérange que mon conjoint caresse mes seins. Ça ne m’excite plus, sauf peut-être doucement pendant l’acte sexuel. Mon compagnon est patient mais il se sent parfois rejeté.»

Ce rejet Vadim, 34 ans, l’a aussi vécu. Père de deux enfants de 4 ans et 20 mois qu’il a tous deux accueillis entre ses mains à la naissance, il témoigne : « Même si je comprenais mon épouse, je me sentais frustré de ne pas pouvoir embrasser et caresser ses seins. Je pense même m’être demandé pourquoi le bébé y avait droit et pas moi. Plusieurs fois nous avons interrompu un rapport parce qu’elle s’ombrageait que j’essaie de lui toucher la poitrine. Maintenant, quand elle est excitée, c’est elle qui m’offre ses seins. J’attends que ça vienne d’elle, c’est plus simple. Après le premier accouchement, nous avons mis sept mois avant de reprendre des rapports avec pénétration. Mon épouse avait besoin d’être avec le bébé et lui aussi. J’avais peu de place dans cette équation et elle était très fatiguée. Et puis, elle est restée longtemps physiquement et émotionnellement blessée par la déchirure de son périnée. On se disputait beaucoup aussi. Pour le second c’était plus rapide mais, avec la fatigue, on n’était pas très actifs. Maintenant, j’essaie de me réjouir de chacune de nos retrouvailles amoureuses, quelle que soit la forme qu’elles prennent.»

Océane, 38 ans, mère de deux enfants de 9 ans et demi et 6 ans, se souvient avoir été fort fatiguée après ses accouchements et avoir eu besoin « d’un temps de pause»Elle s’est sentie comprise et épaulée par sa compagne, plus que ses amies hétérosexuelles qui subissaient parfois un peu de pression de la part de leur partenaire.

Anna, après son accouchement, n’a pas eu de rapports sexuels pendant un an. Elle met en cause les points de suture qu’elle a reçus alors (sur une déchirure naturelle) et l’épuisement de cette année. La relation avec son conjoint s’étiole, faute de communication : « Je n’ose pas accepter ses gestes tendres car alors il me saute rapidement dessus même si ce n’est pas le moment. Il s’oppose au cododo et dort seul. Quand je me relève après avoir endormi notre fille, il est collé à l’ordinateur et n’en lève plus le nez.»

Qu’en est-il de la crainte de certains hommes de ne plus désirer leur partenaire après avoir assisté à la naissance ? Elle n’a pas lieu d’être lorsque la femme est libre de ses mouvements et en confiance pendant la naissance. En effet, pour Caroline Bodel, sage-femme et psychologue : « La femme choisit majoritairement des positions physiologiques qui spontanément sont respectueuses de son intimité ». On est donc loin de la vision graphique de la position gynécologique. Il semblerait que, même dans cette éventualité, les hommes sont plus souvent ébahis par la force et le courage de leur partenaire.

Faire l’amour autrement


La sexualité et le rapport à son corps, au même titre que l'éducation, l'alimentation, la santé, la mobilité ou l'habitat, sont aussi des domaines à se réapproprier et à réinventer. Explorer en conscience nos attentes et nos pratiques et s'offrir un espace et un moment pour prendre soin de sa sexualité est déjà un bienfait en soi et un pas de côté salutaire par rapport au prêt-à-penser-et-consommer ambiant.

Certains couples organisent leurs rencontres pour s’assurer de se retrouver. Prendre rendez-vous permet de se réjouir à l’avance et nourrit l’excitation. Il est important que l’espace-temps créé soit une source de plaisir pour chacun des partenaires et pas une contrainte. Pour cela, les attentes et désirs doivent être explicites et aucune obligation ne doit être (im)posée pour permettre à chacun de vivre la rencontre en toute confiance. Laissez les corps et les cœurs parler et co-créer: câlin, massage, confidence... La rencontre sexuelle dans le couple est avant tout une rencontre sensuelle et amoureuse. Trop souvent les couples hétérosexuels se limitent à l’idée que faire l’amour implique une pénétration. Or la rencontre peut être délicieuse voire orgasmique de mille et une autres manières.

Que notre vie sensuelle soit généreuse, gourmande, emplie d’amour et de joie, comme tous les aspects de notre vie. En ramenant de la conscience dans notre vie amoureuse et sexuelle, ce que nous transmettrons à nos enfants en terme d’images, de préconceptions, tabous, attentes, etc. sera aussi plus léger et lumineux.



Pour aller plus loin


Le groupe de discussion « De lune à l'autre », un cercle de femmes virtuel pour aborder les questions de sexualité et de féminité en toute confiance : https://framalistes.org/sympa/info/de_lune_a_l_autre


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1 – Tous les prénoms de l’article ont été modifiés.

Remarque : le tout dernier paragraphe n'a pas été repris dans la version publiée en avril 2017. Je le reprends ici.

// Tous les articles de BLO ayant pour thème la sexualité se trouvent ici

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