mardi 6 novembre 2018

La musique comme outil thérapeutique pour cheminer vers soi



Article parût en janvier/février 2017 dans le n°62 du magazine Grandir Autrement (magazine disponible en ligne en PDF pour 2,94€ ). Vous pouvez également vous abonner, ou abonner un-e ami-e ici.  Par votre soutien, vous permettez la diffusion et la normalisation du maternage proximal et de l'éco-parentalité. Notre travail est principalement bénévole.


La musique comme outil thérapeutique pour cheminer vers soi


Nada brahma, le monde est son, dit la sagesse védique. Dès notre de vie in utero, nous évoluons dans un environnement sonore perçu par notre peau, nos organes, nos os, nos oreilles[1], notre enveloppe énergétique. Ces informations peuvent nous perturber mais ont aussi aussi un pouvoir ré-équilibrant voire réparateur. La musique, le chant, la danse, lorsqu’on les embrasse à cœur ouvert en posant une intention particulière, nous aident à relier etharmoniser les différents plans de notre être : physique, énergétique, émotionnel, mental et spirituel.

Pour apaiser notre enfant ou notre enfant intérieur, partons à la découverte du pouvoir des sons et de différentes pratiques de mieux-être qui l’utilise.


Notre être est vibratoire.


Selon l’hindouisme et le bouddhisme, certains sons harmonisent les chakras[2]et élèvent notre niveau de conscience. Chaque son correspond à une fréquence, une vibra­­tion. C’est la résonnance de cette vibration dans notre corps qui agit sur notre être[3].

Alain Boudet, docteur en sciences physiques, compare la résonnance du corps à celle d’un piano : quand on joue une corde, toutes celles qui ont des harmoniques communes vibrent aussi.« Ce qui est vrai pour des cordes de piano est également vrai pour les tissus corporels. Les tissus et organes se mettent à vibrer très finement lorsqu'ils sont touchés par les sons dont la fréquence est en accord avec eux. Le cerveau aussi peut être stimulé par le son et même endommagé par certaines fréquences qui résonnent avec la boite crânienne. Des armes ont été fabriquées sur ce principe. »[4]

L’écho thérapeutique des sons est connu en Inde depuis le 7èmesiècle. Dans le monde occidental contemporain, la psychologie et la physique se sont penchées sur le pouvoir du son. Steve Reich, compositeur, utilise les acquis de la psychoacoustique : certaines de ses œuvres semblent nettoyer notre esprit comme le ferait toute pratique permettant d’apaiser notre mental pour laisser plus d’espace à nos autres modes de perception[5]. Les neurosciences étudient aujourd’hui le rôle du son dans les états de conscience volontairement modifiés, comme la transe.Corinne Sombrun[6], musicologue, compositrice et chamane, initiée en Mongolie (où les chamans entrent en transe au son du tambour) collaborent avec des chercheurs en France et au Canada. La transe comporterait des similitudes avec certains états de crises psychotiques. 


Massages sonores


Marie-Louise Aucher, fondatrice de la psychophonie et initiatrice du chant prénatal en France, a montré que quatre gammes font résonner notre corps, de manière différenciée pour chaque zone, et que les points activés se situent le long des méridiens d’acuponcture. « La localisation de la résonance sonore monte au fur et à mesure que les notes deviennent plus aigües. Les notes graves résonnent dans le bas du corps, les notes aigües (…) dans la tête, les notes moyennes dans la poitrine » [7] Il est troublant de noter que notre corps physique compte sept chakras et qu’une gamme musicale occidentale comporte sept notes.

Nous possédons tous une capacité d’auto-guérison en massant notre corps en interne par le chant[8]Pour Alain Boudet, « (…) chanter ou émettre des sons tels que des voyelles ou onomatopées, sans forcément rechercher la justesse (…) est une façon de masser, réveiller, harmoniser les tissus endormis, rigidifiés, encombrés ou privés d'énergie. Dans le domaine de la mécanique, il est habituel de nettoyer de petites pièces métalliques en les plongeant dans l'eau et en les soumettant à des ultrasons. Cela prouve bien que le son agit fortement sur la matière, en particulier sur notre chair. Le chant est en quelque sorte une thérapie douce et sans danger, d'autant plus efficace que le chanteur travaille dans le but de faire résonner sa voix dans tout le corps. » [9]


La musicothérapie : un espace d’exploration accessible à tous


Pour Pauline Bossuroy, musicothérapeute, la musique et les sons touchent à nos mémoires archaïques.

« La musicothérapie propose un espace-temps d’exploration de l’être à travers une communication non-verbale, sonore et musicale. Un espace privilégié d’écoute et d’expression. Pour les enfants, le fait de disposer de cet espace-temps qui leur est propre, indépendamment de leur vie familiale ou scolaire, est à lui seul déjà bénéfique ».La musicothérapie ne requiert pas de savoir jouer d’un instrument. Tout se joue dans l’exploration et la rencontre.

La séance peut être active lorsque thérapeute et patient jouent ensemble, ou passive lorsque le patient écoute une musique jouée par le thérapeute (ou enregistrée) dans une position particulière[10], en verbalisant son ressenti pendant ou après, ou encore en peignant. Le thérapeute n’a aucune attente en terme de résultat (« beau », « libérateur », etc.).

« La musique est un outil particulier car, contrairement à la peinture ou d’autres médium d’artistiques, on n’en garde pas de trace, sauf si on l’enregistre. Elle est donc liée à l’instant présent, à ce que l’on vit et ce qui va résonner à l’intérieur de nous pendant et après la séance. »   

Le silence aussi a son importance, « car sans lui, pas de musique »­. C’est Rolando Benenzon qui a introduit la musicothérapie non-verbale et souligné l’importance du setting, c’est à dire de la préparation de l’espace et des instruments offerts au patient. Pauline Bossuroy nous précise l’importance de laisser l’enfant manipuler les instruments librement : « C’est la personne qui construit sa propre représentation de l’instrument. Une maracas peut être un animal, une personne, un moyen de frapper le sol, d’exprimer une émotion, d’entrer en relation. On peut chanter dans un tambour, le retourner. En ouvrant l’espace des possibles avec l’outil musical et sonore, on peut explorer nos limites, descendre dans nos mémoires enfouies et dans tout ce que l’on ne veut pas voir. On peut crier, émettre des sons, incarner un animal, sans jugement du thérapeute. L’enfant doit sentir que le chaos est possible et accueilli dans cet espace. Du chaos sort une structure, un rythme, un mouvement, des mots, des sons avec lesquels le musicothérapeute va entrer en écho. Le but d’une séance de musicothérapie n’est pas le bien-être dans la douceur et la détente mais d’explorer tout ce qui nous traverse. »


Et la danse ?

C’est cette même démarche que propose la danse des 5 rythmes, créée par Gabrielle Roth, musicienne et danseuse américaine. Dans cette danse libre et intuitive, la musique supporte la traversée et la libération des émotions. Pour Michel Wéry[11], professeur en Belgique et père de deux enfants de 5 et 7 ans : « chaque musique peut être vue comme un univers, caractérisé notamment par une énergie (rythme lent ou rapide, doux ou énergique...) et assez souvent par une émotion. Quand on écoute une musique on entre dans son univers, et une part de nous résonne avec l'énergie et l’émotion qu’elle véhicule. La musique est donc propice à remettre en circulation un élan retenu, une émotion réprimée… ».

La compagne de Michel enseigne aussi la danse des 5 rythmes. Dans leur quotidien familial, la musique a une place à part entière : « Depuis que nos enfants sont tout petits, nous avons considéré qu'ils pouvaient aimer n'importe quel type de musique (ou presque), et ça se vérifie ! Aujourd'hui, cela nous permet de partager ensemble le plaisir d'écouter, de chanter ou de danser. Bien sûr ils demandent parfois de la musique pour enfants et c'est alors nous qui nous adaptons à eux. 

Parfois nous utilisons intentionnellement de la musique dans le but d’apaiser des tensions, de canaliser une émotion (transformer la colère en force et passion par exemple), de s’éclater ensemble, ou encore d’alléger l'atmosphère. Il nous arrive aussi d'utiliser le dessin spontané, avec ou sans musique, pour canaliser la colère d'un de nos fils »

Un conseil ? Michel souligne l’importance de l’exemple et d’oser danser sans vouloir « bien » danser, sans peur d’être jugé : « Je pense qu'on ne peut transmettre que ce qu'on pratique soi-même. Faites-vous d'abord plaisir avec la musique, la danse, le chant ou en jouant d'un instrument, ça fera plaisir à vos enfants ! »

Notre salon est un espace de danse et, comme ils nous ont toujours vu danser, les enfants font spontanément de même. L'initiative vient parfois d'eux, parfois de nous. Nous avons déjà passé de super moments à nous éclater tous ensemble. Quand les enfants étaient plus jeunes on dansait avec eux dans les bras, maintenant ils sont plus indépendants. ».


Propositions d’expériences sonores : 

Pauline Bossuroy nous propose deux expériences musicales à vivre avec notre enfant, en lâchant nos attentes pour qu’ils’approprie son espace de liberté, de créativité.

- Le cocon :  Proposez à l’enfant de construire une cabane avec des coussins et des couvertures et d’écouter une musique pour qu’elle voyage en lui : « Nous allons faire un voyage sonore. Dans ton cocon, tu peux laisser les sons voyager en toi et autour de toi »Dans le cas d'un enfant qui explorerait les limites de son environnement par le conflit, on peut proposer cette expérience.Elle peut lui permettre de ressentir ses limites internes, c’est-à-dire son enveloppe psychique, émotionnelle et corporelle. A la fin de la musique, au rythme de l’enfant, on peut lui proposer une photo intérieure : «Tu peux fermer les yeux et écouter dans ton cœur quelle couleur est peinte à l’intérieur de toi. C’est possible qu’il y en ait plusieurs mais il y en a peut-être une plus présente. Maintenant, écoute à l’intérieur de toi un mot qui définit comment tu te sens là maintenant. » En renouvelant régulièrement cette expérience, le ressenti de l’enfant évolue et ses mots peuvent vous surprendre !

- L’exploration : Proposez à l’enfant un espace d’expérimentation avec les objets qui l’entourent. On peut transformer en instruments de musique des objets que l’on voit tous les jours (des verres d’eau, des casseroles), fabriquer un instrument dans la nature, utiliser les troncs d’arbres, les pierres, le vent… Il s’agit d’ouvrir tous les possibles, de jouer et de réveiller notre enfant intérieur.



1 - Voir l’article « Perceptions sonores in utero » dans ce même numéro de Grandir Autrement.

2 - Centres dénergies qui régulent nos fonctions physiques et émotionnelleset sont reliés à notre environnement.

3 - Le plus connu en occident est le son Om. Ce mantra sacré est largement diffusé par le yoga et les cours de chant prénatal pour son effet calmant. Om aide à accueillir ce qui est et l’accepter, en ce qu’il induit une plus grande connexion à soi-même et à l’entièreté du monde, du temps, de la conscience et du divin. 

5- Essayez son œuvre Music for 18 musicians.

6- http://www.corinesombrun.com/biographie

7- Alain Boudet , op. cit.

8- En médecine traditionnelle chinoise, le chant apaise la sphère Feu, celle du Cœur, qui correspond en occident à l’esprit ou l’âme. Le Cœur assure la stabilité psychique de l’être, sa bonne santé mentale et sa bonne humeur. Le chant régule l’élément Feu, en ce qu’il permet d’exulter le trop plein de joie ou, à l’inverse, de se donner du courage et d’élever sa conscience.

9- Alain Boudet, op. cit. Le yoga des sons, le chant de mantras, le chant holistique, le chant prénatal, la psychophonie et le rééquilibrage de l’atlas(la première vertèbre cervicale) sont des pratiques qui utilisent ces effets du son.

10 - Certaines positions peuvent activer des représentations particulières liées à l’inconscient collectif.

1 commentaire:

Technology Intelligence Agency a dit…
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